Il l’a fait : Uhuru Muhigai Kenyatta est allé crânement se présenter devant la Cour Pénale Internationale à La Haye. En effet, l’institution controversée en charge de juger uniquement les blédards des procès trop gros pour leur juridiction naturelle a ouvert une procédure contre le kényan. La cause ? Il semblerait que Uhuru Kenyatta était un des instigateurs des révoltes meurtrières qui ont émaillé la suite des élections présidentielles entre 2007 et 2008. Mais voilà, entre temps, le gars est devenu PR et c’est armé de cette nouvelle casquette, qui lui confère un certain « courage », qu’il s’en va défier ses juges: la marque d’un homme fort comme on les adore au bled.
Pour commencer, une bête blague que tous les biblos font ces jours ci : « Si le Président du Kenya s’appelle Kenyatta pourquoi le Président du Ghana ne s’appelle pays Ghanatta ? ». Évidemment cette blague débile marche avec n’importe quel pays du bled qui se termine en « a » et les biblos autour de moi en sont très fiers (du moins jusqu’à ce qu’on leur signale « habillement » que c’est une blague raciste – ndla). Cela prouve bien que nous autres blédards avons une longue histoire controversée avec nos Hommes Forts que l’on aime détester.
Je ne vais pas revenir ici sur la pertinence du CPI ou plutôt sur la nature controversée de ses choix car tous les médias et politiques du bled sont assez loquaces sur le sujet. Je ne vais pas non plus revenir sur la problématique kényane qui a valu à Uhuru Kenyatta d’être cordialement invité à La Haye. Ce qui m’intéresse c’est plutôt l’impact social de ce déplacement.
Une des thèse que nous développons régulièrement sur lepetitnegre point com est que culturellement et contrairement aux biblos, les blédards ne reconnaissent pas les héros morts. Il n’y a de héros que le gars qui tient encore sur ses deux pieds d’où l’apologie dans nos contrées de l’Homme Fort en action. Quand Uhuru Kenyatta s’est rendu à la CPI la rue a donné l’impression qu’elle envoyait son champion sur le ring dans un match sans merci contre le challengeur toubab. De même, à son retour, c’est en véritable rockstar qu’il a été accueilli dans les rues de Nairobi. Même ses opposants , même ses détracteurs se sont réjouis pour un temps.
Face à ce déferlement de réjouissances je me suis rappelé que j’avais déjà vu ce genre de comportement chez mes frères. Prenons le cas, au hasard, du RD Congo. Ce fut le cas lors du discours controversé de Lumumba lors de l’indépendance du pays, ce fut le cas aussi lors du discours pro-égyptien de Mobutu à l’ONU. Je suis sur que Kabila père et fils ont eu un moment de grâce équivalent.
De là à en déduire qu’il existe, chez nous autres blédards, une certaine frustration de ne pas pouvoir en découdre d’égal à égal face aux étrangers et aux toubabs en particulier, il y a un pas que je franchis discrètement la nuit à la lueur de la pleine lune. Que l’on me comprenne bien Il ne s’agit pas d’en venir aux mains. Il s’agit « simplement » d’entrer en conflit , en désaccord ouvertement et publiquement, en compétition même et de ressortir vainqueur. C’est plus proche d’un match de Coupe du Monde que d’une démonstration de force physique ou militaire. Et comme dans toute rencontre de ce type il nous faut un champion pour nous représenter. Force est de constater que, si on se limite aux vivants, nous ne sommes pas bien servi dans certaines catégories reines. Je parle ici de la politique, des droits de l’homme, de la diplomatie et même de la religion. Face à cette absence de représentant de qualité la défaite est quasi permanente et les blédards enragent. Aussi dès qu’un gars, même controversé, offre la possibilité de damer le pion de manière quasi certaines aux biblos, il se retrouve comme porté par la masse et ce y compris par ses principaux opposants.
Il suffit de feuilleter et/ou de visionner dans les documents d’archive pour retrouver des moments de liesse générale où l’on acclame sans être sous la contrainte des hommes forts qui se révéleront être des tyrans, des despotes ou des criminels. Nombreux ont célébrés certaines sortie de Idi Amin Dada contre la Reine Élisabeth, ou de Khadafi contre l’occident avant de se mordre les doigts au moment de leur chute. Personnellement, je pense que ces Hommes Forts ne sont pas fiables: ils ont trop de dossiers cachés. Je note aussi qu’ils profitent souvent d’une victoire pour faire absoudre tous leurs nombreux péchés.
Plutôt que de se focaliser sur ces gros combats d’arène on devrait promouvoir de plus petits combats. Il est des combats, même politiques, dans la vie ordinaire qui sans être aussi bruyant sont de meilleurs paris. Et au moins on ne risque pas de se retrouver à nier devant la planète entière le fait d’avoir soutenu untel ou untel. Je soutiens également le fait de redorer le blason de certaines figures historiques: c’est un pari plus sûr et avec moins de surprises. Nous avons depuis eu le temps de nous enquérir sur le nombre et la nature des squelettes planqués dans leur placard. Nous avons pesé le pour et le contre et décider si on pouvait assumer leur victoire et leur travers. Après tout Napoléon Bonaparte est considéré comme une grande figure de l’Histoire Occidental et qu a, entre autre, restauré l’esclavagisme.