c’est celui qui écrit qui est

Loin de l’agitation autour de Boko Haram, d’Ebola et de Ouagadougou, il se passe en ce moment dans un petit pays d’Afrique centrale, bien connu de nos lecteurs une drôle de manifestation plus légère mais tout aussi importante. Le Rwanda a décidé de « moderniser » l’écriture de sa langue et à décider de mettre en œuvre le nouvel orthographe dans deux ans maximum. venu d’on ne sait où sur twitter le hashtag #savekinyarwanda est apparu pour contrer cette décision.

Oui, je sais, vous aller me dire mais LPN, il y a des sujets beaucoup plus importants dans le monde que de s’attarder sur la réforme de l’écriture d’une langue nationale. La langue de Molière à récemment subit des changements et personne n’a bronché au bled, alors pourquoi cela serait-il différent pour le Kinyarwanda ? D’une part, la langue de Molière n’est pas, hélas, suffisamment contrôlé par les blédards, pour que notre opinion sur sa destinée compte. D’autre part, si au lieu de regarder la Lune tu regardais mon doigt quand j’élève mon bras vers le ciel tu remarquerais, qu’une langue africaine ne se résume pas à son écriture, elle véhicule, la culture, l’histoire voire l’identité de ceux qui la parle. Lorsque l’on décide de la modifier, il faut s’attendre à ce que chaque changement se répercute sur comment celui qui la parle se projette et se représente dans le monde.

Revenons donc à nos moutons, et intéressons nous à l’évolution de la langue rwandaise. Après avoir écouté et lu les raisons énoncées on s’aperçoit que la langue, que dis-je, son orthographe va subir une simplification. Le but est de permettre aux étrangers d’assimiler plus rapidement l’écrit et donc d’échanger en Kinyarwanda. Vous noterez au passage que l’on parle ici des étrangers et non des rwandais eux-même. Visiblement, les rwandais n’ont, eux, aucun problème avec l’orthographe actuelle de la langue. Si je devais reformuler l’argument premier derrière cette réforme je dirais que les dirigeants du club Kinyarwanda estime que l’examen d’entrée est trop difficile et que pour augmenter le taux de réussite ils ont décidé de simplifier l’épreuve écrite. Si je peux comprendre le souhait des dirigeants, je m’interroge sur le moyen choisi, pour y parvenir, je m’explique.

Le Kinyarwanda , pour qui se renseigne un peu, est une langue africaine dite archaïque, comprendre, vieille et complexe qui utilise des formules et des constructions que bons nombre de langues modernes africaines ont simplifiées voire retirer de l’usage. Il en découle que son orthographe n’est que le reflet de cette situation. Hors, de ce que je comprend, la réforme ne s’attaque qu’à l’orthographe et non à la langue elle-même. Là où, dans le cas du Wolof, les responsables de la langue ont préféré introduire de nouvelles lettres, idéogrammes afin d’enlever toute ambigüité et permettre une meilleure compréhension de la langue, les responsables du Kinyarwanda font l’inverse: ils en simplifie l’écriture au détrimant de la compréhension en introduisant malgré eux encore plus de complexité dans une écriture qui contient déjà son lot d’incertitude et de déduction. Alors, je sais, on va me dire LPN, tu as la critique facile toi, vu que la langue est complexe tu fais comment ?

Je viens pourtant de vous le dire. Les rwandais on 3 choix. Ils peuvent suivre l’exemple du Wolof. Ou alors, mais cela peut être plus complexe, ils peuvent, à l’instar des japonais ou des chinois, mettre en place un orthographe simplifié dit « moderne » pour les étrangers à côté de l’orthographe plus complexe actuel. Ou, Enfin, il peuvent choisir de ne rien faire. Quelque soit la solution choisie, il est clair que la langue doit évoluer. Une langue qui ne bouge pas est une langue morte, mais une langue qui évolue, sans vision claire des enjeux et des choix et de leurs conséquences s’exposent à devenir obsolète avant de mourir.

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