Un nouveau lecteur va atterrir ici en se disant que l’on va disserter en long et en large sur l’affaire Kemi Seba vs BCEAO ? Il se dit qu’il va enfin savoir pourquoi il est interdit de bruler un billet de 5000 Francs CFA alors que l’on en est l’heureux propriétaire légal. Est-ce parce que en fait il appartient toujours à la BCEAO ? Est-ce que parce que la grande et méchante France ce cache derrière cette affaire et veux régler son compte au trublion de Kemi Seba ? Et bien cher nouveau lecteur je dois te rediriger vers des organes de presses sérieux qui ont les réponses à tes questions sérieuses. Nous ce qui nous intéresse dans cette affaire c’est pourquoi diable envoi-t-on les gens systématiquement en prison ?
Tu voles un œuf: prison, tu voles un bœuf: prison, tu trompes ta femme/ton homme: prison, tu ouvres trop la bouche: prison. Il est clair que au bled la prison est considérée comme la pénicilline du système judiciaire, à défaut d’en être son suppositoire 🙂 : elle est prescrite quasi systématiquement comme si c’était le remède miracle à tous les maux de la société. Il y a cependant plusieurs arguments qui inciteraient à changer cette pratique et le cas du sieur Kemi Seba n’est que la partie émergée de l’iceberg.
1. Raison économique: la prison ça coûte cher.
La prison moderne suit le modèle européen de « l’hôtel où on ne fait rien ». Cette définition est bien sûr uniquement valable sur papier. En réalité, le système carcéral est fauché et les prisonniers sont nourris par leur famille et leurs proches. Envoyer quelqu’un en prison pénalise donc bien plus de monde que le prisonnier seul.
2. Raison financière: la prison ça ne rapporte pas d’argent
Si l’état ne dépense pas d’argent sur la prison il n’en gagne pas non plus. Avec les niveaux de chômage qui sont les nôtres faire bosser des prisonnier serait la dernière des bonnes idées. La dernière entourloupe consiste, alors, à abriter les prisons de la CPI moyennant espèce sonnante et trébuchante. Dans ce cas c’est lucratif mais en même temps ce sont des prisonniers de la CPI.
3. Raison bourgeoise: ça ne change pas un homme en mieux
Les prisons classiques du bled sont des dépôts d’êtres humains. On vous parque là et on ne se souvient de vous que le jour de votre libération, quand on se souvient de vous. Le temps passé derrière les barreaux devrait être suffisant pour que, de votre initiative, vous réfléchissiez au mal que vous avez fait. En gros c’est une version du piquet pour adulte. Hélas il faut se rappeler que le piquet a été « développé » pour être appliqué quelques instant sur un enfant.
4. Raison politico/culturelle: la prison légitime le forfait et l’auteur du forfait.
Comme il y a eu un abus de l’option prison, la prison est aujourd’hui vu comme un instrument de règlement de compte plutôt que un instrument de justice. Idéalement l’institution sert à ce que le prisonnier arrête de commettre un/des forfait(s). La notion de forfait prend donc un coup lors ce qu’elle est élargie au maximum jusqu’à englobé « tout ce qui me gène chez mes opposants/voisins/frères/sœurs/concurrents ».
Presque tous les pays d’Afrique ont banni la peine de mort. Il s’en suit que la peine capitale actuellement est désormais par défaut la peine de prison (à vie mais en fait pour une vingtaine d’années). Mais si le plus simple des délits occasionne également une peine de prison le commun des mortel a des difficultés à comprendre la gravité réelle des faits. Je ne suis pas juriste mais je plaide pour une plus grande diversité des peines avant que l’on en arrive à l’emprisonnement ferme. Le passage par la case prison devrait être l’exception et non la règle.
PS: On me demande de signaler à toute fin utile que pour aller en prison en théorie on doit passer par la case palais de justice, mandat d’arrêt, procès équitable et j’oublie sans nul doute des étapes intermédiaires, mais bon qu’est-ce que j’en sais moi, demander aux journalistes sérieux qui commentent la chose sérieusement..