Le boulevard de nos indépendances

Comme vous le savez tous (n’est-ce pas que vous le savez ?) cette année marque pour pas mal de pays du bled leur 50 ans d’indépendance. Et comme vous le savez tous, chaque pays a décidé d’organiser dans son coin sa cérémonie d’indépendance à lui, en attendant les directives de l’Élysée (ndla: cela vaut surtout pour les pays francophones). Mais, au fait que fête-t-on exactement cette année, pour le savoir, il suffit, parfois, d’écouter la radio.

L’autre jour, je me suis retrouvé dans les embouteillages de la capitale européenne, Bruxelles (et non Strasbourg comme certains le pensent… à tort :ndla) et ne sachant que faire et ayant ré-écouté pour une nième fois ma compile des années 80, j’ai voulu changer et écouter la radio. Et là, j’entends le speaker m’informer que, plus tard, dans la soirée une émission les boulevards des indépendances allait revenir sur l’indépendance du Kenya et, en guise de bande annonce de l’émission, me voici écoutant un compagnon d’arme à Jomo Kenyatta. Et là, je me dis, « LPN, es-tu toujours en Blondinie (ndla: le pays des biblos et des blondins) ». Pas une, pas deux, dès mon arrivée chez moi, j’éteins la télé, que je regarde de mois en moins, et j’allume mon poste radio, The Buggles avaient donc finalement tort… Video Didn’t Kill the Radio Star!!

Le bon

L’émission dure approximativement une heure et j’écoute attentivement cette enquête de journaliste qui nous décrit, non pas à l’aide de professeurs autour d’une table mais plutôt en laissant une large part de l’émission à des interviews des dirigeants et surtout acteurs kenyans, comment eux ont vécu la montée du sentiment d’indépendance et comment cette accession s’est réalisée.
Je ne vais pas mentir, certains passages m’ont fait chaud au cœur et d’autres m’ont fait sourire car je réalisais tout en suivant l’émission comment les choses que l’on idéalise aujourd’hui se sont réellement passées. Cette émission m’a simplement rappelé que pour savoir là où l’on va il ne faut jamais oublier là d’où l’on vient.

Jomo Kenyatta le jour de l’indépendance du Kenya en 1963 (source)

La cerise sur le gâteau, en fin d’émission j’entends la voix du présentateur me dire que je peux retrouver en podcast non seulement l’entièreté du reportage que je venais d’écouter mais également les émissions précédentes sur d’autres pays africains comme le Togo, le Mali, le RD Congo et j’en passe. Il m’a donc fallu moins de 5 secondes pour me rendre sur le site dédié à l’émission et télécharger en toute légalité pour écouter à mon aise les autres émissions que mon manque de suivie des radios locales m’avais fait rater. Je conseille, d’ailleurs, à tout le monde d’en faire autant.

Le moins bon

Je ne suis pas un spécialiste de l’histoire du bled, et bien que cela me chagrine, je ne peux donc pas juger de la qualité des propos rapportés. En revanche, ces émissions sont très bien faites  et très bien montée et surtout, et c’est là l’essentiel, donnent envie d’en apprendre plus sur nous-même. Alors le moins bon ne se situe vraiment pas là. Non, ce qui me plait moins et plutôt de l’ordre du détail car vous le savait LPN adore aller dans les détails. L’émission est une co-production RTBF, Radio Culture et Radio Canada, cherchez l’erreur. Moi je trouve incroyable que pour une telle émission aucune chaine africaine ne ce soit associée de près ou de loin, pire je trouve cela inquiétant.
Si je continue mon raisonnement, en butinant sur le net que voit-on: un site de TV5 monde dédié à l’indépendance des pays du bled, site repris par Arte une chaine franco-allemande. Bref, tout laisse à penser que les biblos portent plus d’importance aux 50 ans d’indépendance du bled que les blédards eux-même (ndla: je parle là surtout des « bobos biblos »… car le peuple s’en fout royalement … ils ne sont même pas au courant).

Certes on va me dire, que certains pays ont commandé un site web bien flashy censé donner un cachet spécial à leur fête d’indépendance et que donc, chaque pays, à son niveau, a prévu quelque chose. Mais, le sentiment qui règne lorsque l’on entend ou voit ce qui se prépare est que nos dirigeants ont décidé de le faire plus par peur du « qu’en dira t’on » que par pure conviction sur la portée de cette commémoration. D’où la question, mais pourquoi le bled à peur de lui-même (de son histoire) ? Est-ce une manière de nous dire qu’on a enfin  réalisé qu’en 50 ans peu de choses ont été accomplies? Qu’aucun des rêves et aucune des promesses faites à chaque nation africaine, individuellement et collectivement, au moment de l’accession à l’indépendance n’a été accomplie? Et que le simple fait de mentionner cette anniversaire fait remontée les incohérences de ceux qui ont gouverné et/ou présidé le destin du bled hier et aujourd’hui ?

En résumé

J’ai appris que le Togo et le Ghana formaient, il y a pas si longtemps que cela, un seul et même pays. Je sais maintenant que le Portugal n’a pas eu d’autres choix que d’accepter la déclaration d’indépendance de la Guinée Bissau. Et le marchandage efficace des zambiens pour récupérer leur mines  de cuivre, lors de leur accession à l’indépendance, n’a plus de secret pour moi.
Aujourd’hui pas mal de pays au bled, sont tellement enlisés dans des processus de démocratie (et non de démocratisation, ça c’était la dernière décennie) et dans des problèmes économiques qu’il n’ont ni le courage, ni l’envie, et encore moins l’humilité de s’arrêter 2 minutes pour réfléchir sur leur passé. Et pourtant, des fois, c’est en écoutant et en réfléchissant sur les choix passées que l’on peut mieux prévenir ou plutôt construire nos politiques futures.

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8 Commentaires

Comment peut-on mettre en 2010 « indépendance » et « Afrique » dans la même phrase?
Grandement je wanda.. Anyway, merci pour les liens.

Pour peu que nous soyons sincères envers nous-même, nous reconnaitrons que nous sommes très loin d’être indépendants. Pouvons-nous en effet parler d’indépendance

(a) quand chez certains, la monnaie est toujours gérée par le colon (bon, ancien colon, si vous y tenez). D’ailleurs toujours avec le même acronyme qu’il y’a 50 ans: FCFA (Franc des Colonies Francaises d’Afrique).

(b) quand la défense – surveillance? 🙂 – du territoire national est l’affaire de l’ancien colon. Combien de (haut-)responsables militaires africains sont en mesure de nous dire très exactement qui survole notre territoire, qui navigue dans notre espace maritime, ou qui batifole allègrement dans les hautes herbes de nos sentiers?
Par contre je peux vous garantir que nos ancêtres les gaulois savent très exactement qui traine ses guêtres dans notre espace.
Si on maitrisait notre espace, une colonne militaire du type de celle qui a attaqué la Côte d’Ivoire il y’a quelques années aurait été détectée avant même qu’ils n’aient le temps de commencer leur sale besogne.

(c) quand la plupart des programmes gouvernementaux ou non, sont financés, qui par le FMI, qui par la BM, qui par le club de je ne sais où, qui par l’Agence de coopération machin, etc, etc. Et qui paie décide, nous le savons bien.

(d) quand certaines des personnes aux commandes, sont issues en droite ligne du camp des collabos d’hier qui réchignaient à accepter l’idée de l’indépendance de l’Afrique, pire, qui ont pris les armes contre le camp des indépendantistes.

(e) quand l’aliénation intellectuelle et mentale est plus présente que jamais, avec des africaillons qui ne peuvent s’imaginer organiser leur vie en dehors de l’ancien colon. Combien d’entre-nous sont prêts à faire le pas véritable vers l’indépendance, mentale notamment? Combien d’entre nous sont prêts à sortir du schéma à nous légué par le colon?

En vérité, je vous le dis – 🙂 – il n’y a pas lieu de commémorer quoi que ce soit, si oui, à la rigueur, une veillée en mémoire de nos morts tombés sur le chemin de l’inachevée bataille vers notre indépendance.

Je ne trouve pas les liens pour télécharger les fichiers audio sur le site de la RTBF là
Comment on fait? Je veux savoir pourquoi Kenneth Kaunda est devenu végétarien…

@oniN bon visiblement la RTBF retire progressivement les fichiers audios donc il faut te manier… par contre si tu va sure ce lien http://www.rtbf.be/info/monde/afrique/zambie-1964-la-rupture-avec-la-rhodesie-du-sud-185884 tu verras qu’il est possible d’entendre l’émission au complet en cliquant sur l’image … je sais c’est mal foutu mais c’est pas ma faute.
Désolé de te spoiler le truc mais tu n’auras hélas pas la réponse à cette épineuse question qui a pourtant marqué un tournant décisif dans la vie de Kaunda

Merci pour l’info.
Dans la même veine, il y a aussi l’émission Archives d’Afrique sur RFI, aussi dispo en podcast.
Eric

Bonjour à toutes et à tous,

Je viens à ce propos de découvrir le site « lepetitnegre.com » via Alain Foka, qui en a parlé ce jour dans sa très bonne émission « Archives d’Afrique » sur RFI.
Je trouve ce site rafraîchissant. Il peut encourager le débat, surtout en ce qui concerne le 50ème anniversaire des indépendances.

L’ONG panafricaine « Centre Afrika Obota », à caractère scientifique culturel et à but non lucratif, dans laquelle je travaille actuellement, oeuvre aussi en ce sens, sur son forum de discussion virtuel dédié à la jeunesse et à la démocratie virtuelle au Bénin.

Venez-y faire un tour pour vous exprimer sur des sujets traitant de l’abrogation de la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI), de la marche des écoliers face à la grève des enseignants, ou encore pour chatter en direct avec des personnalités politiques, des syndicalistes, des universitaires, etc.
Plus d’informations sur : http://centreafrikaobota.exprimetoi.net/

Bien amicalement,

Arnaud Breitenstein

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