Une fois n’est pas coutume, je relaie ici une discussion qui a eu lieu hier sur Twitter, discussion lancée par inadvertance par @afrosapiens et amplifié par @maneno pour savoir quel pays africain devrait représenter l’Afrique au conseil de sécurité des Nations Unies. Au-delà de la question et du fait que Twitter est un média de l’instantané, je me suis dit que partager mon avis pouvait aider au débat mais en plus lui donner un ancrage plus pérenne sur ce blog.
Sur Twitter, certaines remarques et réponses faites par les intervenants à la discussion m’ont permis de mieux articuler ma pensée. Ainsi là où certains annoncent tour à tour l’Afrique du Sud, le Nigeria voire l’Union Africaine d’autres déclarent que la question de base est mal posée. La question n’étant pas de savoir si tel ou tel pays est à même de représenter l’Afrique dans sa globalité mais plutôt de savoir quel pays africain est apte aujourd’hui à siéger dans le dit conseil. Les conditions seraient d’ordre économique, diplomatique et de forces militaires. Moi j’y rajouterais une condition de taille critique du pays et une dernière, celle de « l’opportunité historique du moment » mais je reviendrais sur cette dernière condition plus tard.
Au regard de ces conditions, je m’en vais, par élimination, tenter de déterminer le plus objectivement possible ce pays « élu » du bled capable de devenir un membre permanent du conseil de sécurité des Nations Unies.
L’Afrique Noire Francophone
D’entrée de jeu, soyons clair, aucun pays francophone ou assimilé n’est apte à l’heure actuelle à prétendre à un tel siège. Et pourtant, un pays comme le RDC si il n’était pas empêtré dans ses propres problèmes et contradictions internes aurait pu faire un candidat idéal. D’autres pays comme la Côte d’Ivoire, instabilité politique oblige, ou comme le Sénégal (quid de sa force militaire ???) ont également raté le coche. Et que l’on ne me parle pas du Cameroun, un pays au potentialité énorme mais dont la diplomatie au niveau africain et, excusez moi du terme, quasi inexistant. En clair, voilà en gros 20 pays mis hors course en un coup.
L’Afrique du Nord
Les pays arabes constituent sur le papier, et uniquement là, hélas, de bons candidats, mais en y regardant de plus près ils n’ont pas encore l’énergie d’activation nécessaire. Le cas algérien, par exemple, ressemble furieusement à la situation du RDC. Le Maroc, lui, n’a toujours pas réglé son contentieux saharien avec l’ONU. Quant à la Libye ou au Soudan, leur passé et leur présent joue en leur défaveur. Et l’Égypte me direz-vous? A quoi cela servirait-il d’octroyer 2 places aux États-Unis ? Voila pourquoi aucun pays d’Afrique du Nord n’est pour le moment éligible. Remarquez au passage qu’à aucun moment la question de la religion n’a été abordée dans cette élimination, car cette argument est hors sujet.
Une réunion du conseil de sécurité des Nations Unies (source)
L’Afrique de l’Est
Enfin voila une première région qui possède des candidats pouvant prétendre à un entretien d’embauche après lecture de leur CV. Je vois pour ma part, en première lecture, l’Éthiopie et la Tanzanie. Le Kenya a raté le coche avec sa crise politique et ne me parlez pas de la Somalie 🙂 .
L’Éthiopie est un pays qui a une stature militaire, économique et diplomatique, du moins dans sa région. L’Éthiopie réponds donc aux critères fixés. De plus un autre atout non négligeable est que l’Éthiopie est déjà la capitale politique du bled et possède une histoire assez forte et un peuple fier qui a le sentiment de n’avoir jamais été colonisé. En clair Mélès and Co. sont bien positionnées. Ah oui, que l’on vienne pas me parler de Démocratie, ce critère, comme la religion, n’a pas lieu d’être considéré comme pertinent dans ce débat, auquel cas certains membres actuels du conseil de sécurité mériteraient d’être purement et simplement exclus 🙂 .
La Tanzanie est une puissance suffisamment stable au niveau de ses institutions pour influencer de manière conséquente les pays des Grands Lacs ou encore le Kenya ou l’Ouganda, en clair c’est une force régionale avec laquelle il faut compter.
L’Afrique Noire Anglophone et Australe
Là, les candidats se bousculent aux portillons, des pays comme le Nigeria ou l’Afrique du Sud sont cités par pas mal d’observateurs et sont clairement éligibles pour un entretien plus profond. On peut également compter sur un pays comme l’Angola , qui possède l’économie et la force militaire (demandez au RD Congo voisin, il en sait quelque chose).
En résumé
Pour les personnes pressés, je récapitule, nous avons l’Afrique du Sud, l’Angola, l’Éthiopie, le Nigeria et la Tanzanie. Voici les seuls candidats que je retiens après lecture de leur CV. Mais si l’on regarde de plus près on s’aperçoit que tous ces pays ont un sérieux défaut, ce sont des puissances au mieux régionales. Aucun n’a l’ambition ou l’envergure suffisant pour imposer quoi que ce soit au restant du continent. En clair, aucun ne représente réellement le bled. Mais est-ce grave en soit ? Non, car au conseil de sécurité on défend surtout son pré carré et si par accident cela bénéficie aux pays de sa région voire de son continent c’est tant mieux.
And The Winner is ?
Les cours d’histoire nous apprennent tous que la France n’est présente au sein du conseil de sécurité que parce que Churchill ne voulait pas être le seul européen autour de la table. D’où ma proposition, au lieu de pousser un pays en particulier, pourquoi ne pas pousser une « joint venture » en combinant 2 des pays ci-dessus mentionnés. Encore faudrait-il que leurs diplomaties, leurs intérêts et leur ambitions convergent dans cette tâche. Et c’est là que le bas blesse et qu’intervient l’ingrédient qui fera la différence: l’opportunité historique du moment. Au(x) plus malin(s) de ces nations d’utiliser la fenêtre d’opportunité ainsi offerte sinon ils regretteront amèrement demain, leurs inerties d’aujourd’hui.