Alors que le RD Congo, que dis-je l’Afrique, que dis-je encore, le Monde entier célèbre les 20 ans de la mort de Franco Lumabo Makiadi, le Tusker Project Fame vient de conclure sa 3ème édition dans l’indifférence quasi générale sauf celle des principaux intéressés. Je vais dans ce billet, et avec votre aide, si vous le voulez bien, essayer de comprendre pourquoi cette région particulière du bled n’a jamais réussi à présenter à la planète un artiste musicien d’envergure mondiale.
Que l’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit: l’East Africa possède des stars. De très grandes stars locales même. Le problème est qu’aucune n’a réussi le « crossover« , c’est à dire le passage de star locale à star internationale. Bien sur certains sont connus chez les voisins mais cela reste très régional.
Plusieurs observateurs de l’actualité musicale, dont votre serviteur, se demandent si cela ne signifie pas que la voie classique d’accès au statut de superstar est bouchonnée et/ou en panne. Et ce n’est pas un phénomène blédo-bledard car même la diaspora de cette région n’aide pas des masses. Il doit bien y avoir une spécificité locale car le RD Congo (trop nombreux, pas assez de place), le Sénégal (Youssou Ndour), le Nigeria (Fela), le Maghreb (tous les Shebs possible) en produisent eux quotidiennement depuis des décennies.
Mais après tout comment nait une star? Il faut au départ un talent. Ce truc original que la personne elle seul sait faire. Puis il faut ce que les anglophones nomment le « star power« . C’est à dire un capacité presque mystique à apparaitre aux yeux d’un grand nombre de personnes comme un être formidable voire magique. Quand je regarde l’Est du bled je vois une région qui a plus de culture (au singulier) qu’il n’en faut. Comme dans pas mal de région du bled, on n’est pas fâché avec sa tradition ce qui permet de la perpétuer. Donc du talent, il y en a. Puis le « star power » aussi il y en a. On ne compte plus les « top models » issues de la région. Avec une morphologie qui colle parfaitement aux canons imposés par la haute couture, c’est presque trop facile pour une sœur de la région de poser voir s’imposer sur le « catwalk« .
Mais voilà, à aucun moment on a réussi à fédérer ces deux qualités en une seule personne. Pire, l’histoire a fait un pied de nez en à la région en favorisant des artistes qui ont largement puisés dans la symbolique ou les rythmes du coins. Je me souviens de cet éthiopien qui soutenait mordicus que Bob Marley était un de leur compatriote. Il me proposait même de me montrer la maison où sa famille habitait avant dans les faubourg de Addis-Abeba. Il en va de même pour toute la sous région swahilophone. C’est sans doute l’une des plus actives et les plus prospères du continent. Les artistes peuvent littéralement vivre de leur art. Mais très peu sont connu en dehors de leur base traditionnel. Certain, comme Ali Kiba, font parfois une tournée mondiale mais sont obligés de se limiter aux clubs par défaut de public. Cela nous change d’un Koffi Olomidé ou d’un Manu Dibango qui peuvent facilement remplir un Bercy sans publicité à la télé.
Alpha Rwirangira (Vainqueur TPF 2009) et Eric Moyo (Vainqueur Idole East Africa 2008) des stars en devenir ?
Je suis à cours d’explication mais je continue à éliminer les hypothèses. Est-ce la barrière de la langue ? Non car quand une chanson arrive à sortir c’est un carton. Rappelez vous du cultissime Malaïka des Jambo Boys repris (entre autre) par Miriam Makéba.
Finalement j’ai une ébauche d’explication et je compte sur les lecteurs attentifs pour peser dans le débat. Les africains de l’Est sont trop proches de leur culture. Ils n’ont jamais réellement pu développer de culture dit « de grand public » car celle-ci ne faisait pas le poids contre leur culture qui semble élitiste. Ce sont des pays dans lesquels il est mal vu d’avoir une mauvaise voix, ou un mauvais texte, ou d’effectuer un mauvais pas de danse bref où il faut tellement de qualités pour être reconnu comme artiste que les places sont très très limités. Celui qui est choisi est alors adoubé comme LA star du pays et s’assied sur son trône sans ressentir le besoin d’aller conquérir d’autre cieux.
Pour les frustrés et les jeunes, on va lâcher ces « reality show » de recherche de talents comme le Tusker Project Fame et autre Idole East Africa. Mais quel que soit le résultat, le grand public saura que le vainqueur à au moins un défaut ( dans sa voix, son texte, etc… bref il n’a pas la légitimité nécessaire pour qu’ils fassent plus de bruit autour de son nom et le portent au succès international. A méditer.
Un commentaire
Jikeb
A méditer, je ne sais pas , mais en tous cas merci de m’avoir fait découvrir ces télé-crochets d’Afrique de l’Est.