Les Mauvais Perdants

abdoulaye-wadeC’est bien connu au cinéma le succès d’un film se joue sur le talent et à l’attrait des protagonistes principaux (l’héroïne et le héros) mais également sur l’originalité et la classe de l’ennemi. Il se trouve que cette règle est également valable dans les élections. Une bonne élection est celle qui donne un bon gagnant et un bon perdant.

L’un des exercices les plus délicats en démocratie, c’est l’organisation des élections. Si  le concept de démocratie ne se limite pas à ce simple exercice (le vote), il est cependant un des nombreux baromètres utilisés par les observateurs locaux et extérieurs de la santé du pouvoir par le peuple. C’est également un exercice qui permet de jauger de la capacité du pouvoir en place de gérer le concept qui l’a porté au gouvernement. Mais voilà, pas mal de gouvernements en place échouent à ce dernier test. Ils sont incapables d’organiser des élections propres, transparentes et où à la fin … ils perdent. A l’école primaire on les appelle les mauvais perdants. Perdre une élection, ce n’est pas la fin du monde. Bien au contraire c’est une preuve de maturité politique. On prend acte que l’électeur veut essayer autre chose. D’ailleurs si cela dérape il peut revenir aux urnes et reconduire les anciens perdants. Cette manœuvre a un nom : l’alternance politique. Et une démocratie qui marche pratique régulièrement ce sport .

Avec l’avènement des sondages d’opinion (qui ont pris le relais des marabouts et autres diseurs de bonne fortune), il est aujourd’hui possible de voir la défaite poindre à l’horizon. Dans ce cas le part au pouvoir panique. Au lieu d’organiser de superbes élections et laisser une marque forte dans l’esprit des électeurs, ils s’emploient plutôt à truander le système électoral afin de gratter les quelques points qui leur assurent le maintient. Le pire c’est que la démarche est légale. Légale, mais pas éthique. La technique consiste à utiliser les mécanismes de légaux d’altération du mode de scrutin vers une formule plus adaptée. Ce tour de passe-passe n’est pas propre au bled. Les européens sont bien connus pour alterner gaiement entre scrutin proportionnel, majoritaire ou mixte selon la formule qui donnera le plus de siège.

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Mais il existe une sacro-sainte règle qui empêche d’altérer l’élection présidentielle. Il faut d’ailleurs toucher à la constitution pour cela. Mais voilà à force de jouer avec ce texte fondateur il perd de sa substance. On limite puis multiplie le nombre de mandat, on plafonne puis allonge l’âge limite des candidats, on ajoute des règle dites d’ivoirité, on passe d’un scrutin de un tour à deux tour. La liste n’est pas exhaustive car la créativité des mauvais perdants n’a pas de limite. Les analystes politiques en herbes que nous sommes lisent à travers les lignes et voient là un des signes avant coureurs de catastrophe post électoral. Je maintiens qu’il est important pour la crédibilité du système que de bons candidats perdent les élections. Qu’ils perdent à la régulière, prononce le rituel discours qui reconnait la défaite et annonce que leur parti va jouer son rôle dans l’opposition. Cette image forte est très importante pour apaiser les esprits: rappelez-vous qu’on le fait pour le sport et le football en particulier. Si les bleus français avaient gagné le Mondial contre le Luxembourg plutôt que le Brésil, la fête n’aurait pas été la même. Et les brésiliens n’ont pas été brulés en rentrant au pays, au contraire ils sont revenu gagner le trophée 4 ans plus tard.
Cette image est aussi forte que celle de croiser un ancien président vaquant tranquillement à ses activités au bled. Alors Monsieur Wade faite aux sénégalais le même cadeau que Monsieur Diouf vous a fait en perdant contre vous: laissez un jeune candidat vous battre et allez vous occuper de votre potager.

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