La Faute au Thermomêtre

global-peace-indexEt bien cette fin d’année 2009 est bien chargée. Pas une semaine qui se termine sans qu’un prix soit décerné, sans qu’un rapport sur la situation catastrophique de la Terre ne soit présenté. On note cependant que dans ce 21ème siècle de « responsabilisation » des individus ainsi que des nations, on pousse le raffinement à fournir un classement nominatif et une description de la méthodologie de réalisation de l’enquête en plus du simple rapport assorti des solutions à apporter.

Le but d’un rapport c’est non seulement de présenter un état des lieux mais d’également susciter la réaction des acteurs mal cotés. Mais avant cela il faut que le rapport buzz, il faut que les gens en parlent. Or, qui veut parler d’un pavé des plus d’un millier de pages, qui je n’en doutes pas, sont toutes très intéressantes et circonstanciées, à part des spécialistes où des étudiants ? Personne, vous l’avez deviné. C’est pour cela que la branche communication et marketing du rapport va entrer en scène. Elle va parcourir ce pavé  (en diagonale, bien sur -ndla) et essayer de trouver de la matière croustillante pour alimenter les colonnes des journaux et des blogs et créer ainsi le fameux buzz qui amènera le rapport sur le devant de la scène médiatique.
C’est pour cela que cette mode récente qui consiste à nommer les acteurs est du pain béni pour les communicants. Elle s’apparente à ce qu’on appelle le « name droping » dans le hip-hop: Si je veux faire parler de moi, je fais un « beef » (ou un « clash » en français – ndla) avec une légende du métier prétendument intouchable et je vais jusqu’à citer son nom. la réaction du public est immédiate: tout le monde court à la chasse de « la-chanson-ou-50Cents-casse-KanyeWest ». Ici, il s’agit de sortir un bon gros nom de président ou de ministre, un nom de pays dont la « com » assure que tout va bien et montrer que le rapport prétend le contraire. Cette provocation amène le pays a réagir vivement, et parfois maladroitement, et avec force le boucan crée le buzz crédibilisant ledit rapport.

le rapport GPI 2008 – Plus c’est noir , moins ça va. (source)

GPI-world-map-2008

Paradoxalement c’est en ne trouvant personne à nommer que, le mois passé, la Fondation Mo Ibrahim a  défrayé la chronique. La rapport de la fondation s’est même attiré les foudres de pays comme le Rwanda. Même si celui-ci s’estime, sans doute à raison, mal classé car évalué sur des données erronées, il n’empêche que le simple fait de réagir pousse le observateur à douter et à regarder de plus près le chiffres présentés par le dit pays alors que en tant normal ils n’auraient été que survol. Il en a été de même lorsque le classement des pays les plus corrompus est sorti et qu’il a nommément classé le Cameroun en tête: les officiels ont contesté mais la rue  a confirmé les chiffres. Qui croire ? La partie neutre bien-sûr: le rapport.

Le dernier rapport résumé de rapport qui est tombé sur notre table est le Global Peace Index ou GPI en sigle. L’étude est menée par la très select « The Economist Intelligence Unit » excusez du peu. Encore une fois, on crée la polémique en nommant uniquement le premier (Botswana) et le dernier (Soudan) de la classe, dans un classement pays par pays. Tous les autres se précipitent alors sur le rapport afin de connaitre leur classement si il est sérieux ou si il faut démentir d’entrée de jeu.
Le concept de paix étant très relatif, le rapport est trop facilement attaquable. Si on l’avait appelé l’ « Index des Pays Ou Il Ne Se Passe (Vraiment) Rien » tout le monde sans exception aurait validé les résultats mais voilà l’Institut a voulu quantifié et normé le concept le plus ambigüe du monde: la Paix. Il s’agirait selon lui d’un savant mélange entre le niveau d’armement, l’implication dans des conflits internes et externes, le nombre de prisonniers politiques ou pas, de policiers et plusieurs autres statistiques du même genre. Rien sur la violence faites aux enfants, aux  femmes et aux étrangers ou les violences verbales et psychologiques. Je ne remets pas en cause la pertinence de la formule mais j’affirme que la dénomination de l’index prête à confusion et favorise la polémique inutile. C’est sans doute ce qui a conduit Mo Ibrahim a donné son nom à l’index et au prix qui va avec.

Le foisonnement de rapport d’instituts indépendants prouve que les acteurs politiques et économiques ne veulent plus se fier aux simples chiffres produits par leur administration. Ils montrent aussi qu’aucun pays n’est plus à l’abri de l’évaluation externe. Ces résultats sont utilisés par les bailleurs de fonds et par les investisseurs avant de s’engager dans un marché: ils ont donc leur importance. Mais le contre cout de la multiplication de ces rapport alarmants est le risque de se trouver dans une situation dite de « Pierre et Le Loup »: plus personne n’y fera attention.

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