C’est le 8 mars et, comme chaque année depuis 100 ans, aujourd’hui, c’est la journée internationale de la femme. Mais si cela se passe plus ou moins classiquement dans les médias occidentaux avec, à chaque fois, un débat organisé pour faire le point sur l’avancement des droits pour les femmes. Au bled, cette journée a pris une toute autre tournure qui vaut que votre serviteur se penche sur la question.
Le premier indice qui m’a mis la puce à l’oreille c’est effervescence que j’ai vu à l’évocation même de la date du 8 Mars dans une assemblée de femme du bled. A la différence de leur comparses occidentales à qui il faut rappeler une bonne semaine à l’avance la date et la raison de la célébration. Les blédardes, elles, sont au fait de la chose et tout blédard qui tien un temps soit peu à son couple aura noté avec soin dans ses différents carnets et agenda électroniques la date afin de ne pas l’oublier. Car le jour de la femme est sacré au bled. Les hommes vont au fourneau et les femmes sortent fêter du moins c’est ce que j’ai compris. Ce jour est tellement sacré que les cérémonies pour fêter les 50 ans d’indépendance dans certains pays ont été mises en veilleuse pour permettre aux femmes et filles du bled de célébrer leur journée.
A première vu donc, tout se passe au mieux dans le meilleur des mondes. Mais si je m’arrêtais là, je ne serais pas LPN. Car le deuxième indice qui m’a fait dire que quelque chose de bizarre se produisait c’est lorsque j’ai vu les préparatifs et les sommes mises en jeu pour le 8 Mars. Toute chose égale par ailleurs, le 8 Mars, au bled, c’est un peu comme Halloween en Europe, c’est devenu une grosse farce marketing/commerciale que l’on a mis en avant pour éviter de se poser la question qui fâche: A quoi ça sert ?
D’Abidjan à Douala en passant par Ouagadougou, toutes les femmes courent de boutique en couturier à la recherche du pagne de circonstance. Au Burkina Faso, il est bleu, rouge ou mieux encore jaune (la couleur préférée de la 1ère dame du Burkina faso dit-on dans les cercles avertis :ndla) celles qui pourront arborer LE bon pagne du moment auront presque gagnées la partie. Mais dans la plupart du temps, cela ne suffit pas. Les familles se doivent aussi de rivaliser au niveau de l’originalité du modèle demandé. Bref on croirait retrouver l’effervescence des préparatifs autour d’un carnaval ou d’une fête païenne comme Halloween.. sauf que ici, celle-ci gagne toute une ville, tout un pays, que dis-je, tout un continent.
Défilé de femmes lors de la journée de la femme en 2009 au Congo (source)
Que l’on me comprenne bien, je ne suis pas là pour remettre en cause la journée de la femme. Ni pour me moquer de la tournure des évènements. Mais simplement en regardant ce triste spectacle je me pose des questions. Est-ce qu’à un seul moment ces femmes fêtent leur émancipation ou leur indépendance financière par rapport aux hommes ? Est-ce que ce jour signifie la célébration d’une victoire sur les traditions sclérosées d’un autre temps qui empêche un pays comme le Mali d’adopter un nouveau code de la famille un peu trop favorable aux femmes aux yeux des conservateurs religieux ? Est-ce cela signifie la fin des exactions contre les femmes dans l’Est du Congo. Voila ce que j’attends, sans doute un peu trop naïvement d’un journée comme celle-ci. Non, ce que l’on verra c’est des hommes au fourneaux pour 24 heures et encore… et des femmes défilées ça et là pour marquer le coup et ensuite, la routine reprendra sa place avec son cortège d’inégalités et de désespoir pour plus de la moitié des habitants du bled (ben quoi il y a plus de femmes que d’hommes au bled c’est connu non ?:ndla).
J’ai la nette impression que si à la surface c’est les femmes qui sourient, le grand bénéficiaire de cette journée, c’est l’homme. le raisonnement est simple et implacable: « Je dédie un jour à la femme pour qu’elle me laisse tranquille le restant de l’année. Ainsi, elle ne pourra pas dire que je ne me préoccupe pas de ses besoins…« bien joué négro 🙂 . La journée de la femme sert donc de pis aller un peu comme les différents administrations et autres structures exclusivement féminines mis en place par les états au bled. Je ne sais plus qui a dit cela mais hélas je pense que dans la plupart des bleds cela reste vrai:
Le recul le plus significatif des femmes a été d’accepter un ministère de la condition féminine. On a circonscrit le problème pour mieux l’enterrer.