Ils l’ont fait. Le Président du Kenya a signé la mise à jour 2014 de la loi sur le mariage. L’article star de cette loi est bien sûr la légalisation de la polygamie. Évidemment les réactions de désapprobation n’ont pas manqué de fuser de toutes parts. Même les habitants de pays ayant autorisé le fameux «mariage pour tous» se déclarent choqués. Pourtant à l’instar de ce dernier mouvement la légalisation de la polygamie n’est que l’inscription dans la loi de comportements constatés dans le pays depuis la nuit des temps. Je m’en vais donc dans la suite de ce billet exposer l’hypocrisie des détracteurs de la loi kényane qui se trompent encore une foi de combat.
Je tiens tout d’abord à rassurer les opposants aux mariages forcés: cette pratique est et restera toujours illégale et à combattre. Ce dont nous parlons ici c’est bien de l’union entre deux personnes majeures et consentantes. Il est vrai qu’un ambiguïté subsiste sur le terme « mariage ». Cela est sans doute du au fait que la même expression est utilisée pour des concepts différents. Le mariage civil, le mariage religieux, le mariage coutumier et bien d’autres sont non seulement différents dans leur forme mais également dans leur fond. Certains sont liés, on ne peut avoir l’un sans l’autre, et d’autres sont totalement indépendants entre eux. Plus encore ils ne s’adressent pas aux même personnes. Il en résulte que chaque législateur ne peut traiter que du mariage qui est de sa compétence. Et quand on aborde le sous thème de la polygamie, celui-ci doit donc être évaluée dans chacune des déclinaisons du mariage.
Il existe des patelins au bled où l’affaire était déjà entendue au niveau traditionnel. Non seulement les hommes ont fréquemment une épouse aînée et une épouse cadette mais les plus riches d’entre eux ont parfois plus de deux épouses connues et reconnues. Jusqu’ici personne, au bled, ne trouvais rien à redire. En fait à y regarder de près ce n’est que le mariage civil, celui qui est géré par l’état, qui fait de la résistance. Pourquoi? Pour la même raison que d’habitude: les lois du bled sont des copiés/collés de textes de loi européens du siècle passé. Il convient donc parfois de réévaluer tout cela à la lumière du contexte local. Quand la réévaluation donne lieu à un texte différent du texte précédent il s’ensuit évidement une mécontentement de la part des européens (entre autres) qui estiment non seulement que la réflexion sur le sujet avait déjà eu lieu (chez eux) et qu’elle les avait amené à écrire un texte de loi universelle.
Mais justement, puisque nous sommes tous des humains les européens devraient profiter de l’occasion pour réévaluer leur propre texte et se demander si il correspond encore à leur actualité. En moyenne un européen se marie deux fois. Quand je dis «se marie» je compte également les unions non sanctionnées par l’état civil qui tiennent lieu de mariage coutumier en Europe :-). Je rappelle à ceux qui ne l’ont pas encore remarqué que nous sommes en 2014. Dans sa définition la pension alimentaire entre époux se défini comme suit: « Une pension alimentaire doit permettre à celui qui en bénéficie d’assurer son existence dans des conditions équivalentes à celles dont il bénéficiait auparavant. ». En d’autre terme les européens sont polygames dans les faits sauf que pour garder la face par rapport à leur culture ils ne veulent pas le reconnaître publiquement et la loi est là pour les aider. Pour les blédards, il en ai exactement de même. Nous sommes polygames dans les faits et nous souhaitons garder la face par rapport à notre culture. Cela signifie en premier lieu que l’on ne peut pas «jeter» la première épouse à la rue. Qui plus est, on doit lui assurer de pouvoir garder son rang dans la société surtout si on a eu un enfant avec elle. Au bled cela passe par le fait de garder la première épouse dans la famille et le Kenya est l’un de ces pays qui a eu le courage d’utiliser la loi pour entériné la chose.