En règle générale, quand je le dis, les gens rient, d’autres sont étonnés mais tous ne me croient pas. Et pourtant c’est la vérité, vraie. Le trajet porte à porte qui m’amène de l’Europe à chez moi au bled m’oblige à emprunter successivement le bus (jusqu’à la station métro), le métro (jusqu’à la gare), le train (jusqu’à l’aéroport), l’avion (jusqu’au bled), la voiture (jusqu’à la gare routière), le bus encore (jusqu’à la gare provinciale), le mini-bus (jusqu’à la fin de la nationale), la moto (jusqu’à la côte), la pirogue (jusqu’à l’autre côte) et enfin à pied pour les derniers mètres. Autant dire que je suis un expert « de facto » en transport en commun.
En terme de transport en communs routiers il y a boire et à manger au bled. Je pourrais citer en vrac le taxi-vélo, le taxi-moto, le taxi-voiture, le taxi-minibus, le bus et le super-bus (ou « coach » en anglais, ou « gros bus lent qui remplit la route et empêche de dépasser » en blédard). Cette année j’ai mis un point d’honneur à étudier de plus près le bus inter-ville. Il faut dire que l’inter-ville express est le meilleur moyen de prendre la température du bled. Imaginez que vous êtes confiné avec un quarantaine d’individus des tous les catégories sociales possibles et imaginables pendant près de 8 heures. Forcément, au bout du trajet, les langues se seront déliées et les conversations auront étés tenues.
– A la gare routière il y a des crieurs. Ceux ci vous attirent vers la compagnie de bus qu’il faut. Impossible de se gourer ou de regarder des panneaux pendant des heures. Le client est roi donc on vient vers lui. Cela n’empêche pas les crieurs présents de devenir très vite embêtants.
– Les compagnies avec places numérotés ont la côte. Plus besoin de faire la bousculade pour avoir un siège près de la fenêtre. Mais si vous réservez en retard ça sera la place au dessus du pneu et rien d’autre.
– Il y a toujours un passager pour qui c’est la première fois en voiture. On le reconnait généralement lorsqu’il ne peut plus contrôler ses intestins et que ses deux derniers repas se répendent sur la banquette. Si il est prévoyant: il s’est muni de sac « jetables ». Si il ne l’ai pas ça va moufeter dans le bus durant tout le trajet.
– Vous n’avez aucun contrôle sur la sono. Le conducteur est le seul DJ accrédité et il met ce qu’il veut. Si vous tombez sur un fou de dieu c’est gospel sur tout le trajet mais si c’est un petit jeune c’est hip-hop pendant huit heures ce qui n’est pas forcement meilleur. Pire, les opposants au choix du DJ sont à bord et se sont structurés. Ils utilisent la sono de leur mobile sur haut-parleur alors qu’il a pourtant été vendu avec une sortie son et des écouteurs.
– Le téléphone justement. Lorsqu’il sonne vous avez le droit de demander au chauffeur de baisser le son de la sono pour prendre votre appel. Comme au bled on est bien élevé tout le monde se tait pour que votre appel soit le plus confortable possible mais aussi pour pouvoir profiter d’une conversation qui ne les concèrne pas. D’où la naissance d’un nouveau sport national qui consiste à appeler quelqu’un quand il est dans un bus pour lui taper la honte.
– Huits heures c’est long: vous aurez donc droit à deux « arrêts manger » et fatalement deux « arrêts pipi ». Ces arrêts sont sélectionnés selon les tenanciers qui ont graissé la patte du conducteur ou qui ont un accord avec la compagnie de bus. Il faut donc se renseigner avant sous peine de rater l’escale à votre marchand de brochettes favori.
– si vous le prenez dans les heures tardives l’Express se transforme en omnibus car tout le monde joue de la sympathie du conducteur pour qu’il s’arrête devant sa porte.
Il est vrai que ces énumérations peuvent donner à mes vacances une allure de périple et l’on peut se demander si cela est vraiment nécessaire ? D’aucun aurait remarqué que si on peut casser la tire lire pour aller au bled on devrait pouvoir ce serrer la ceinture un peu plus et voyager dans des conditions plus confortables. Je me devais donc de vous avouer que c’est moi seul qui m’impose ce régime. La raison en est que l’expérience m’a appris que le confort est un des moyens efficaces pour fuir la réalité dans laquelle la majorité des blédards vivent. Mon but est donc double: faire corps avec mon cher bled, mais aussi débusquer de la matière pour vous alimenter en réflexions totalement vaines et inutiles … quoique.
Un commentaire
Cerise
J’aime beaucoup ton récit !