Il y a un sujet que j’ai toujours voulu évoquer sur ce blog mais le temps et la motivation m’en ont souvent empêchés. Mais voici que cette épidémie de révolutions qui secoue le Maghreb me remet en selle. Ceci n’est pas un billet politique mais bien un billet sur la musique et son industrie. Pourquoi cette mise en garde en forme de rappel ? Parce que la musique dont je vais vous parler et celle des hommes politiques.
Lors d’un épisode précédent je me suis épanché sur la difficulté qu’il y a avait au bled pour créer et imposer une hymne nationale. Il se trouve que aux cotés de ce champs patriotique de ralliement existe un autre type de genre musical, « la chanson de politique ». Attention, il ne s’agit pas de la confondre avec « la chanson politique » sans le « de ». Cette dernière vise en effet à propager une idée ou un programme politique ou, ironiquement, à les combattre. La Chanson De Politique, elle, fait fi des idées pour se focaliser sur les femmes et hommes politiques qui les véhiculent.
Pratiquement comment cela se passe-t-il ? Il s’agit du stratagème bien connu en marketing qui consiste à vendre son publique, ou du moins l’attention de celui-ci, à une personne qui en a semble-t-il momentanément besoin. Du public les stars de la chanson du moment en on plus qu’il n’en faut. C’est surtout l’argent qui leur fait défaut. Qu’à cela ne tienne puisque le politique c’est le contraire: la transaction est donc vite réglée. Ce détail administratif mis de côté il faut passer à la composition et à la production du titre. Contrairement à la croyance populaire les artistes ne vont pas se fouler pour réaliser le son. Ils vont prendre le programme du gars si il en a un, en retirer une ou deux punchlines, trouver deux mots tendances qui riment avec lui et emballé c’est pesé. Et si vous avez un réel talent de DJ ça peux même aller très vite la preuve en image ci-dessous.
« Zenga Zenga Song – Noy Alooshe Remix » staring Muhammar Khadaffi
Mais avec le temps, le client est devenu exigeant. Il a temporairement eux droit aux feux de la rampe et il y a pris goût. Aussi il commence à faire attention aux paroles et à la musique. Tel un producteur il en arrive à suggérer (ndla: fortement) certaines modifications à apporter à la chanson et, quand la tentation devient trop forte il passe derrière le micro et pousse la chansonnette. Le résultat fait sourire? C’est justement l’effet recherché. Un politicien imbuvable devient soudainement sympathique, humain, et finalement proche de nous par la magie d’une joyeuse mélopée. DJ Yo M7 and The Fresh Ali Bongo sont là pour le prouver.
Je vois déjà mes lecteurs « bibloss » qui s’insurgent et crient au culte de la personnalité. Je leur répondrais que si vous le reconnaissez c’est que à un certain moment vous (ndla: vos ancêtres en fait) avez vous aussi eu à un moment de votre histoire utilisé la méthode. Ce qui choque encore plus au nord c’est le fait de chanter une ode à quelqu’un qui est encore vivant. Rassurez-vous, ce verrou est purement culturel: au bled on ne voit pas la nécessité de chanter quelqu’un qui est mort puisque justement il n’est plus là. Moi je ne reproche qu’une chose à ces morceaux. C’est d’ailleurs la même chose que je reproche, accrochez vous, à la musique Gospel moderne. Elles ont atteint une qualité telle qu’elles font parfois de l’ombre à la musique dite populaire. Le résultat est un catalogue de « bons sons » rendu inécoutables car accompagnés de textes sulfureux/inappropriés/débiles/hors-contexte (ndla: rayer la ou les mentions inutiles). Morale de l’histoire: mesdames et messieurs les politiciens faites un programme cohérent ou racoleur peu importe, cela vous évitera de gaspiller les trésors culturels du bled. En vous remerciant.