Mwana Foot

Chers amis en football, pendant près d’un mois les médias vont vous abreuver d’images somptueuses de joutes qui vont se dérouler en Angola. On va vous faire croire que c’est là le summum de ce que l’on peut proposer en terme de sport et de divertissement sportif au bled. Permettez moi de tordre le coup d’avance à ce funeste projet. Le foot, le vrai c’est celui que l’on a tous pratiqué dans notre enfance et qui se nommait « Mwana Foot« . Je m’en vais vous rappeler les règles de base de ce sport trop longtemps resté dans l’ombre de son grand frère sur-financé.

L’appellation d’origine contrôlée: « Mwana » ça veut dire enfant ou gamin dans la plupart des langues bantoues. « Foot« , ça veux dire « Football » dans la plupart des langues humaines sauf chez les Ricains qui font semblant de rien comprendre juste parce que ce sont pas eux qui ont inventé le truc. Les deux ensembles ça fait « Mwana Foot » soit le Football des Enfants improprement traduit par Football Amateur dans la langue de Molière qui par ailleurs n’y a jamais joué donc il n’y connait rien.

Les limites du terrain: seuls les éléments naturels définissent les limites du terrain. Les étendues d’eau, la foret, le cuisine (le feu) une fois visités par le ballon donnent lieu à une entrée de touche. Il ne faut donc pas être surpris de voir les joueurs dépasser le but et continuer à jouer derrière celui ci. De toute façon le seul but valable et celui marqué dans le sens entrant. De même les rebords de terrain à parois permettent un une-deux avec le mur qui joue pour les 2 équipes.

Les buts: Deux pierres suffisent à délimiter l’entre du gardien. Deux battons peuvent également faire l’affaire. Pour la barre transversale , elle est délimité par l’élongation maximale du gardien. Si la balle passe au dessus de ses mains tendues, c’est au dessus. D’où l’importance de choisir le plus petit gabarit comme gardien.

La balle: la notion de ballon de foot est un concept large. Tout ce qui est rond voir cylindrique , bref qui roule quand on le pousse peut être assimilé à un ballon. Il est arrivé que l’on joue au foot avec un caillou dans la période de désœuvrement la plus sombre. Demander à l’orteil de LPN qui en porte la marque indélébile.

La durée du match: le match commence à « quand on a envi » précise et se termine à « quand on en a marre » voir « quand on en a marre moins le quart« . Dans ce dernier cas de figure, on passe un quart d’heure à tirer des pénaltys pour définir qui a gagné la partie. Le temps de fin correspond généralement à une panne technique de l’éclairage du stade plus communément appelé … la tombée de la nuit.

L’arbitre: le quoi ? Il n’y a pas d’arbitre tout le monde veux et doit pouvoir jouer.

Les fautes: Pas d’arbitre = pas de faute. C’est d’une logique implacable. On t’a cassé le pied ? Sort et laisse la place à un joueur valide. Si tu veux quand même insister sur le fait qu’il y a faute, un conseil: quand tu tombes prend le ballon avec toi et roule toi en boule autours de lui en mimant des cris de douleur dignes d’un attaquant italien. Alors seulement, dans un élan de pitié et de compassion, l’équipe adverse va t’octroyer un pénalty même si la faute est commise dans ton camps. A la réflexion je pense que c’est l’une des raisons qui fait qu’il y a très peu de fautes sur nos terrains.

L’entraineur: qui ? José Mourinho est occupé ailleurs et Raymond Goethals est mort donc on va jouer sans entraineur.


FC Bledards promotion 2009-2010 sur son terrain l’Emirate Stadium de BledVille

Les équipes: les équipes sont créées à l’arrivée des joueurs et évoluent ensuite dynamiquement en fonction des départs, des blessés, des nouvelles arrivées, du déséquilibre constaté dans la partie. Cette dernière coutume est propre au bled et à son honneur. Le but du foot c’est pas d’écraser l’adversaire. Donc si on constate qu’une des équipes encaisse un peu trop, on opère un mercato sur le champs et on reprend la partie. Ainsi tout le monde peux apprécier le jeu.

Le public: c’est une constante au bled, on ne supporte jamais une équipe: on supporte le beau jeu et les bons joueurs. Mon père m’a raconté qu’à son époque on considérait comme bon joueur celui qui pouvait shooter le ballon le plus haut possible. »Quel intérêt pour la partie ?« . Aucun: mais qu’est ce que c’est beau à voir n’est pas ? De mon temps, c’était celui qui dribblait le plus d’adversaires en une fois. Parfois, les joueurs se laissaient griser et en oubliaient de marquer. On remarque des séquelles de ce comportement chez certains joueurs professionnels actuels: ils se reconnaitrons.

Le score: contrairement aux européens et aux occidentaux en générale, les blédards n’ont que faire du score. Pour preuve quand on joue en Europe il est indispensable d’avoir un autochtone dans l’équipe sinon on ne saura jamais quel est le score finale. C’est un truc culturel je crois car le but c’est de jouer ensemble et pas de savoir qui est plus fort que qui. Ce que l’on retient d’un match c’est le nombre de petit ponts (le fameux « tshobo« ) , les nouveaux dribbles, les combinaisons, les trucs ratés et les bonnes vannes car ça chambre en permanence.

Si une larme coule sur votre joue en ce moment, c’est que vous aussi vous savez de quoi je parle. Pour l’avoir vécu/pratiqué, je reste une adepte du Mwana Foot à vie et je ne regrette en rien de ne pas avoir eu de console de jeu dans mon enfance (ndla: en fait si j’en avais une mais ça n’a jamais vraiment été mon truc). Si ce n’est pas le cas, sachez chers amis que vous n’avez pas eu d’enfance et je vais vous laisser docilement être leurrés par le spectacle que nous proposent nos amis du côté de l’Angola.

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7 Commentaires

Je n’aime pas le foot à la télé, je n’aime pas jouer au foot, mais je comprends parfaitement en quoi ce jeu est cool et fait trembler la nostalgie…
Bel article bien raconté !!

« choisir le plus petit gabarit comme gardien. » > héhé l’inverse exact, j’aime beaucoup 🙂

Je plussoie Biswe, merci!!
Surtout cette partie : « De mon temps, c’était celui qui dribblait le plus d’adversaires en une fois. Parfois, les joueurs se laissaient griser et en oubliaient de marquer. »
mdr! c’est tellement vrai! ça me rapelle mes parties de « mouna foot » à Bafoussam! nzolo! mdr!

Jikeb l’a relevé, mais je m’en fous. Moi aussi « De mon temps, c’était celui qui dribblait le plus d’adversaires en une fois. Parfois, les joueurs se laissaient griser et en oubliaient de marquer.
Et y’avait de ces surnoms… Et j’étais tellement nul qu’on m’obligeait à jouer comme gardien de but. Ils passaient leur temps à ‘entre-dribbler que la balle n’arrivait jamais devant le gardien.
Mais on a aussi eu des trucs comme Bon goal, Dans tes… Nzolo bat, pôhlè, tir-tir (quand vous n’êtes qu’à deux 🙁 )
Putain qu’est-ce que c’était bien le foot sous la pluie, quand tu réussissais une cuillère, l’adversaire direct dans la boue…

Très bel article!!
Sous d’autres cieux (ceux sous lesquels j’ai grandi), on disait « mongo foot », et ça avait la même signification, et les mêmes règles, ou non-règles.

c’est tout simplement magnifique ce « mwana foot » j’y repense encore tous ces dribles, ce jeu « tshobo frappe », jeu de « taxi » et tout autres jeux. Comme on le dit, le petit blanc joue avec des jouets en plastoc, nous c’est avec un ballon qu’on et le plaisir qu’il procure. Que du plaisir !

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