Mets un blanc devant et ça ira

afriqueSi vous êtes originaire de la diaspora ou que vous avez à un moment donné envisagé de monter votre propre affaire au bled ou que vous vous êtes trouvé en difficulté pour trouver des fonds pour votre projet au bled, je suis sur que vous avez déjà entendu cette phrase. De la bouche d’un parent, d’un proche, d’un ami qui vous veut du bien, une telle phrase est censée vous remonter le morale. Moi, à chaque fois que je l’entends, ça me désole.

Mets un blanc devant et ça ira

Nul n’est prophète en son pays. Il ne se passe pas un mois sans qu’une tragédie frappe le bled. La famine par ci, un coup d’état par là, et que voit-on à la télé dans ces cas si, qui interroge-t-on dans les médias écrit ou sur internet ? A chaque fois on nous sort un représentant de la croix-rouge ou de médecins sans frontière qui va lancer un cri d’alarme en nous expliquant mieux que quiconque les tenants et les aboutissants de la tragédie en cours. Où sont passés les porte-paroles des gouvernements du bled en question personne ne le sait. Que ce soit dans les média africains ou internationaux c’est la même chose… si c’est un blanc qui le dit, le crédit qu’on accordera à ses dires sera plus important.

Que l’on me comprenne bien, ceci n’est pas une attaque en règle des blancs mais une constatation générale au bled. Un mzungu a plus de poids qu’un blédard dans toutes les sphères de la société. Une petite explication de texte est nécessaire pour les non blédards ou les blédards ne venant pas d’Afrique centrale ou de l’est 😉 :

Mzungu
terme d’origine bantou signifiant une personne dont la culture et/ou les manières de se comporter en société différent des coutumes de la population locale.
Ce terme englobe donc aussi bien les non-blédard au bled mais également un malien au Congo – grand ou petit 🙂 – et vice et versa.

Autre niveau, autre exemple. Il y a quelques années, j’ai discuté avec un ami gabonais, qui terminait ses études en Europe et préparait son retour à Libreville. Au cours de cette conversation, il évoque ses craintes de rester peut-être 1 an sans emploi ou avec un emploi non rémunéré dans l’administration publique. Moi, en parfait naïf (?), je lui suggère de rentrer, de ne pas compter sur le service public mais de plutôt miser sur ses qualités. Le sachant débrouillard, je lui dis qu’il n’a qu’à monter sa propre boite et que je suis sur qu’il trouvera facilement des clients vu ses compétences. Il me regarde un instant et me réponds. Tu sais si tout les 2 on devait rentrer aujourd’hui au Gabon. A diplôme, expérience et projet égaux je suis sur que la banque t’accorderait plus rapidement un crédit qu’à moi. Sa réponse m’a surpris, alors je lui ai demandé pourquoi ? Et il m’a répondu: C’est simple, toi tu n’es pas gabonais. De fait, la banque peut évaluer sans crainte ton dossier, mon dossier lui, passera moins car la banque émettra des doutes quant à mes capacités de les réaliser.

Je n’évoquerais pas ici le sort des entraineurs blédard des équipes nationales africaines de football ou encore celui des consultants blédards chez eux qui à compétences égales sont moins bien traité qu’un confrère venu de France ou du Québec qui ne comprend rien, en plus, aux réalités du bled. Je ne reviendrais pas non plus sur le boum des boutiques maliennes dans les villages d’Afrique Centrale et le ressentis des autochtones vis à vis des commerces libanais qui fonctionnent dans nos capitales. Car tous ses exemples procèdent de la même idée de départ. Une idée qui est semble-t-il encrée dans nos cerveaux de blédards et qui n’arrive décidément pas à se détacher de nos neurones : Quelque soit ses compétences un étranger sera de toute façon mieux perçu chez nous que nous même. C’est stupide, mais cela se confirme hélas chaque jour un petit peu.

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10 Commentaires

Beh, tu vois,
c’est vieux comme le monde : « nul n’est prophète chez soi ». C’est assez frustrant ms si vrai ce que tu expliques là. Des exemples on en a en tonnes, mais peut – on vraiment y changer quelque chose ?
Les gens du côté de chez nous pensent que le bonheur est un gâteau et dc chaque fois qu’une belle opportunité est offerte à mon voisin ça signifie qu’il prend une part en plus du gâteau, et donc en aura plus que les autres…C dingue, ms c’est comme ça !

C’est pareil en Asie. Enfin, au moins à Hong-Kong, et les villes proches en Chine continentale (Shenzhen, Canton), et en Thaïlande.

Me demandez pas pourquoi, je n’en sais rien.

Tiens, c’est très vrai tout ça!
Tellement vrai que je donnerais n’importe quoi pour avoir un plombier polonais en ce moment!

Navrant sans doute, mais ça procède d’une certaine logique dans le cheminement mental, si l’on postule au départ ce que chacun se dit, quel que soit le pays : « la mélasse chez les autres est toujours moindre que chez soi », ce qui est encore plus vrai quand le chez les autres est une espèce d’Eldorado réel ou imaginaire, tandis que la mélasse locale est particulièrement épaisse. Donc le Venant d’ailleurs doit forcément être plus doué ou plus qualifié, puisque chez lui (où que ce soit), c’est moins daubique qu’ici…

C’est sans doute parfois vrai, souvent une pure construction de l’esprit, et ça n’aide certes pas à générer une classe moyenne digne de ce nom, mais ça dépasse le cadre du bled. C’est le « facteur humain », tout simplement, et ça ne se modifie pas en trois coups de cuiller à pot ^^

Si on pouvait aussi dire chez le blanc et à un blanc : « mets un noir devant et ça ira », ce serait équitable, chacun y trouverait son compte.

HNM: Tu dois pouvoir dire « mets un noir devant et ça ira » chez les jaunes, (mais c’est à vérifier, je suis ni noir, ni jaune).

Bonjour

Triste réalité, à peu près générale en Afrique. Pour commencer peut-être faudrait il que plus de membres de la diaspora Africaine s’engage dans des actions humanitaires en Afrique. Qu’ils soient ceux qui soignent, enseignent et aident.

Cela permettrait déjà de commencer à casser ce mythe que le muzungu, le toubab, le nassara est plus « intelligent »

Entendu de la bouche d’un petit rwandais : « monsieur, lorsqu’on regarde les grands auteurs, les grands savants, ce sont tous des blancs, pensez-vous que c’est parce que les blancs sont plus intelligents? »
entendu aussi d’une petite fille, rwandaise toujours : « monsieur, on dit toujours que les blancs sont plus intelligent, moi je dis qu’ils ont plus de malices, qu’en pensez-vous ? »

Est-il normal (situation vécue) que dans un restaurant au bénin, un blanc sale et déguenillé (en l’occurrence moi, motard en vadrouille sur le continent Africain durant 2 ans) soit traité comme un prince (par le personnel noir) alors que son compagnon, noir et bien habillé soit toujours servi en dernier?

JJ

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