Lorsque deux humains se croisent, la prise de contact suit toujours le même rituel, on se salue, on se présente, et enfin on parle affaire. Ce rituel ancestral censé nous démarquer du restant des êtres vivants de la planète à ceci de saugrenue que pour qu’il fonctionne correctement il faut que les deux parties s’entendent au moins sur la manière de se parler et, plus important encore, sur la manière de prononcer leurs noms. Et c’est là que le bas blesse, en 2013 bientôt 2014, je suis toujours aussi atterré par les trouvailles des journalistes blondins pour prononcer un nom venu d’ailleurs.
Je ne vous ferez pas l’insulte de prendre pour exemple mon propre nom, vu que LPN, tout le monde arrive à prononcer sans trop se poser de question. Bien qu’il m’arrive de me souvenir que dans ma tendre enfance certains, sans doute un peu trop influencés par une culture française, y on vu une référence bien étrange à un « célèbre » dirigeant de parti d’extrême droite française.
Je ne prendrais pas, non plus, l’exemple des volcans islandais ou des joueurs de foot polonais dont les noms sont une tentative désespérée d’accrocher une place dans le Guiness Book des records dans la catégorie « combien de consonnes puis-je mettre à la suite sans rendre le lecteur de mon nom épileptique ». Non, le blédard que je suis se contentera des noms d’Afrique subsaharienne dont la prononciation exigerait semble-t-il, au minimum, l’équivalent d’un BAC +3 section linguistique.
Que l’on me comprenne bien, je ne tiens pas à défendre bec et ongle la bonne prononciation de Bobo-Dioulaso (noté la présence d’un trait d’union) ou encore de Dschang (devines ou ça se trouve sans utiliser ton moteur de recherche 🙂 ) en faisant référence à d’obscure pratique vaudou. Si cela fonctionnait, Pékin s’écrirait et se prononcerait Beijing depuis bien longtemps. Non, ce que je veux établir c’est qu’en appliquant quelques, que dis-je, une règle de prononciation basique et qui découle du bon sens, au delà des fantasmes occidentaux, la prononciation des noms du bled est simple et inodore.
Pour comprendre l’astuce que je m’en vais vous livrer, il faut comprendre comment fonctionne 80% des langues du bled. Ces langues sont formées à partir de mots dont les syllabes commencent toujours par une consonne et se terminent par une voyelle. Comme je vous l’ai dit c’est basique et très simple à retenir. Une fois que l’on a compris cela, on peut prononcer tous les noms propres du bled.
Prenons un exemple véritablement au hasard, l’inspecteur Justin N’Guma dans la série Julie Lescaut. Voila donc un gars censé avoir un nom venant directement du bled. Pour montrer que Julie et Justin étaient potes mais qu’il y avait un certain respect entre eux, dans chaque épisode où il apparaissait Véronique Genest se devait de ne pas écorcher le nom de son collègue. Elle se fendait donc continuellement d’une prononciation qui phonétiquement donnait l’inspecteur « Enne-Guuma ». Hé bien Véronique, tu étais dans le faux, la syllabe « Enne » n’existe pas dans les langues africaines, il fallait simplement prononcer « Guuma » (ndlr:ou « Gouma » si le nom venait d’une ancienne colonie non-française) , en faisant disparaître dans un vortex espace-temps le « N » ajouté par des producteurs sans doute un peu trop zélé.
Et oui l’astuce est bien la suivante:
Pour tout nom dont la première syllabe est orthographiée avec une double consonne au départ, oublié la première lettre et ne tenait compte que de la deuxième lettre pour prononcer la syllabe et le tour sera joué.
Fini les « EmBaimeBa »(MBemba) et autre « EnTamak » (Ntamak) entendu dans la bouche de commentateurs sportifs et/ou journalistes qui en voulant sans doute faire les malins tombent régulièrement dans le ravin, et préférez-y « Baimeba » et « Tamak » c’est tellement plus simple et facile qu’en plus de leur faire justice et de respecter leur nom vous vous rendrez service également.
Un lecteur blondin (comprendre occidental) attentif se demandera alors quel moustique a bien pu piqué les blédards pour qu’ils ajoutent ainsi des difficultés inutiles dans l’écriture de leur langue. Cher blondin attentif mais pour le moins naïf tu sembles oublier une chose très importante: Les blédards ne sont pas responsables de la mauvaise transcription de leur langue, mais tes aïeux, oui! Si seulement, au lieu de piller le bled ils avaient réellement écouté ce qu’ils auraient à transcrire plus tard, nombre de ces problèmes de prononciations n’existeraient tout simplement pas.
Quant à ceux qui se pose régulièrement la question de savoir pourquoi les noms des blédards sont parfois forts originaux comme le dit si bien un proverbe bantou:
Le seul mal que ton père peut te faire c’est te donner un sale nom