La scène surréaliste se passe à Yamoussoukro, la capitale de la Côte d’Ivoire (ndla: ceux qui pensent encore que c’est Abidjan sont priés d’aller voir là bas si j’y suis). C’est le jour d’investiture de Alassane Ouattara le nouveau président du pays. Alors que l’on accueille les invités de marques dans la salle comble, le speaker annonce l’entrée de Nicolas Sarkozy le Président de la République Française. Le tonnerre d’applaudissement qui suit l’entrée, disons-le, triomphale de l’homme fort de Paris, a rappelé à mes bons souvenirs le deux poids deux mesures que nous autres blédards pratiquons avec une certaine incohérence.
Convenons en, entre adultes, quand l’on reconnait qu’une relation ne va pas, que l’on a la maturité d’en discuter ouvertement jusqu’à y trouver un remède: on peut se féliciter. Puis arrive le moment où il faut « implémenter la solution » comme dit mon chef de projet. Cela implique que les deux parties acceptent cette solution et la mettent effectivement en application.
Lorsqu’il s’agit de la France-Afrique, un observateur comme moi se doit d’observer les discours et les actions des deux protagonistes. La France on le sait a fait du changement dans ses relations avec le bled un des piliers du programme électorale de ses candidats. Contre l’avis des vieux conservateurs et autres dinosaures du système, la mise en oeuvre de ce programme ambitieux a eu comme conséquence des situations « cocasses » où la France ratait systématiquement le coche car complètement déconnectée de la réalité de son ancienne chasse gardée africaine. Mais les blédards, qu’en ait-il pour eux ? Comment ont-il négocié la transition ?
Alassane Outtara et Nicolas Sarkhozy (source)
Les blédards à défaut de mettre le changement à l’ordre du jour du programme électoral (ndla: pour toutes les raisons que l’on vous a exposé dans la série CAP 2010 toute l’année ) ont quand même dit tout le mal qu’ils pensaient de la France-Afrique de papa. C’est d’ailleurs l’un des rares points de convergence entre les blédards du bled et ceux de sa diaspora. Tous le monde est d’accord qu’il faut changer les relations mais la méthode n’est pas encore arrêtée. Les officiels du bled aillant la main ont mis ses bonnes intentions en pratique et c’est là où le bas blesse aujourd’hui. Parce que faire table rase du passé comme il était préconisé mettait un coup d’arrêt au train de vie de cette élite. Il fallait par exemple renégocier tous les accords. Dans toute renégociation les prix s’envolent fatalement vers le haut puisque l’argument du clientélisme n’a plus lieu d’être. Alors qu’on fait nosgouvernants blédards ? Ils ont fait la même chose que leur contrepartie française, ils sont retombés dans le seul autre modèle qu’ils connaissaient et ont applaudi à battons rompus Nicolas Sarkozy qui revient prêcher la nouvelle ancienne France-Afrique.
Mais que l’on ne me fasse pas dire que tous les blédards souscrivent à ce nouveau schéma. Non. La polémique sur les rapports de tutelle qui existent entre l’occident et le bled avait été sublimés dans les cercles du pouvoirs et dans les milieux intellectuels. Et ce sont eux qui aujourd’hui se retrouvent à faire défaut. Applaudir un dirigeant étranger invité à la fête, soit, mais chers amis sachez modérer vos ardeurs car on a de moins en moins tendance à croire en votre sincérité quand vous affirmez avoir changé.