Essayez de visualiser la scène avec moi: vous dormez tranquillement chez vous après une longue journée de labeur quand soudain un bruit résonne. Pas le temps de vous retourner que les assaillants sont déjà sur vous et votre compagne/compagnon. Vous entendez les enfants criés et vous comprenez hélas que eux aussi sont à la merci des complices. Ça y est: vous venez d’être victime d’un viol. Le comble de l’histoire est que vous avez furtivement aperçu le visage de vos agresseurs et ils vous sont familiers: normal, ce sont vos voisins.
Il m’est toujours pénible de parler de la situation qui prévaut au Kivu. Ces deux provinces jumelles (Nord et Sud) du RD Congo sont le théâtre depuis bientôt 16 ans de conflits armées de toutes sortes. Il y a les guerres dues aux trois voisins turbulents: Burundi, Rwanda et Ouganda. Il y a aussi les guerres intestines qui ont tour à tour destituées Mobutu puis tentées de destituer Mzee Kabila. Quoi qu’il en soit, c’est une zone de passage fréquentes pour groupes armées et maquisards de tout acabit. Passage mais également stationnement car la région est vaste et a des allures de « bonne planque ». Mais voilà, il y a quand même des habitants dans cette zone et ce sont ceux eux qui ont le malheur d’inaugurer cette nouvelle forme de gouvernance par la terreur.
De tout temps, me direz vous, les hommes en armes ce sont livrés à des exactions sur les populations des contrées envahies. Mais ces meurtres, pillages et autres viols avaient lieux dans une situation binaire plutôt claire: il y avait les envahisseurs étrangers d’une part et les victimes autochtones d’autre part. Ce qui frappe dans le cas du Kivu c’est que ici les observateurs extérieurs ont du mal à mettre le doigt sur LE responsable. En effet, si on lit les différentes dépêches on est enclin à plutôt demander « Qui ne viole pas au Kivu ?« . On cite tour à tour les mouvements rebelles des pays voisins, les milices et soldats nationaux sous payés et, même comble de l’ironie, les membres des forces de l’ONU chargés de maintenir la paix. C’est d’ailleurs sur base de ces faits que cette force de dissuasion à 1 million de dollars la journée vient d’être remerciée et a commencé à plier bagages. On dit que l’étranger ne s’intéresse à un conflit que si il a lieu au dessus d’un puits de pétrole. le Kivu est pourtant bien plus que cela et pourtant la situation perdure. Faut-il une autre preuve pour accréditer le fait que tous le monde est de mèche ?
Des femmes dans le camp de Kibati, mercredi. (source: REUTERS)
Sur un plan moins politique et plus sociologique cette affaire interpelle également. Nous sommes en présence d’individus ayant décidé de non seulement passer à l’acte pour assouvir une pulsion (ndla: ce qui dénote déjà de problèmes mentaux certains) mais également d’utiliser ce même acte pour propager un sentiment de peur chez les hommes, femmes et enfants qui s’aventurent sur les terres qu’ils contrôlent. Il y a la une étape supplémentaire qui vient d’être franchis dans leur pathos. Il en ai de même dans le chef de leurs supérieurs hiérarchiques et leurs sponsors divers qui laissent faire ou favorisent de tels actes.
Je suis d’une nature positive et je reste convaincu que l’on finira par rétablir l’autorité et la paix au Kivu. Il n’empêche que ce jour là, que j’espère le plus proche possible, nous hériterons au sein de la société d’individus à la psychologie chamboulée. Un travail formidable est en train d’être accompli par des organismes publiques comme privées (ndla: que je salue au passage) pour accompagner les victimes passées et actuelles de ces violences. Il ne faudra cependant pas oublier qu’un travail tout aussi important de suivie devra être fait sur les auteurs de ces exactions si l’on ne veut pas les voir reproduire dans la cité leur agissement de maquisard.
Un commentaire
frelon
Un bel article et un cri du coeur sur une situation scandaleuse devant l’inertie patente et surtout coupable des puissances occidentales notamment.
J’ai lu (dans un n° de Continental de début d’année il me semble) que les conflits en RDC ces dernières années ont fait à ce jour plus de victimes que les juifs victimes de la Shoah, on n’en parle pourtant ici en Europe que du bout des lèvres, c’est révoltant.
Merci pour ce poste Mastap