Convictions Suicidaires

Comme toute personne née avant le hip-hop, j’ai toujours eu un certain recul face à ce genre musical et spécifiquement sa déclinaison francophone. C’est un peu comme si à chaque album il devait me prouver sa pertinence dans le fond comme dans la forme. Aussi suis-je un peu étonné de me surprendre à attendre la sortie du « premier » album de DESPO RUTTI comme une groupie adolescente. Je suis fan du gars depuis « Arrêtez » donc ni une, ni deux, je me plonge dans l’opus pour voir si il est à la hauteur de mes espérances.

1. Quitte Ou Double
La punshline: « on l’aime la France, on plaide le crime passionnel ».
Ça sonne bien comme une intro, un son plein de testostérone mais en même temps c’est ce qu’on attend de Despo. Même si Despo a l’habitude d’aller dans tout les sujets à la fois il se dégage un thème principale qui occupe 60% de la chanson. Ici c’est ce fameux contraste âmour/haine pour l’Europe (la France) en tant que système et pays où l’on doit se construire une vie. Tiens, une petit claque traditionnelle à l’OM au passage, normal pour un supporter du PSG.

2. Convictions Suicidaires
La punshline: « A chaque punshline je perds un fan »
Un son hip-hop franco français. Personnellement je n’adhère pas à l’instrumental. Heureusement il y a les paroles de Despo qui sont d’un efficace: c’est en mode ego trip qu’il claque mieux. Tiens, retour de batte sur le PSG: « je hais la défaite et pourtant je supporte le PSG ».

3. L’avocat du diable
La punshline: « Ce qui différencie l’enfant de l’adulte c’est la taille de ses jouets »
Encore un instru à la française. Une thématique ghetto à la française qui ne m’interpelle pas vu que j’y suis étranger mais on comprend que ceux qui y vivent se reconnaissent dans le mots de Despo tellement il « représente » la banlieue.

4. The Score
La punshline: « On ne remboursera pas la dette de l’Afrique en prenant le monopole de la coke « 
Re-instru français. Bon, concentrons nous sur les paroles alors. Un titre en anglais que lui seul doit pouvoir expliquer. Encore une thématique ghetto français. J’écoute en entier que parce qu’il y a sans doute encore des punshlines cachées.

5. L’oeil au beurre noir featuring Nessbeal
La punshline: « Depuis le 11 Septembre les Arbi sont plus à la mode: elles kiffent toutes les re-noi »
Nom de Dieu: ce morceau vient de me mettre une claque. Le thème des couples mixtes bledards (black plus beurs) avait déjà été évoqué par le Saïa Supa Crew la Sexion d’Assaut avec « Histoire Plus Que Vraie« . Mais Despo et Ne2s sont encore plus hardcore que le collectif. Ils appèlent un chat un chat et se glissent parfois dans la peau des uns et des autres pour que le ressenti soit encore plus vrai.Une mention très bien à Nessbeal qui donne presque l’impression de bouffer Despo sur son propre morceau.

6. Dangeroot’s
La punshline: « Le seul noir autorisé à mettre une boule blanche dans un trou c’est Tyger Woods »
Il semble que les MC francophones issus de la RDCongo on lancé la mode de rouler le « r » comme marque de fabrique (cf: Poison, Youssoupha, Ghandi , etc…). Ici c’est le second cheval de bataille de Despo Rutti à savoir le bled. Seul regret, il ne parle plus en lingala comme dans ses anciens sons sur le même thème.

7. Innenregistrable
La punshline: « Tu prétends pouvoir me guider vers Dieu ? Montre moi ton GPS »
On croit d’abord que Despo donne dans le spirituel mais c’est juste l’intro pour justifier l’atmosphère planente genre chorale grégorienne. Il retourne directement dans l’égo trip en écorchant au passage les rappers new new-yorkais qui viennent se la raconter à Paname en playback.

Despo Rutti – Redemption (clip officiel)

http://www.youtube.com/watch?v=S91GOOmSHmQ

8. Trashhh
La punshline: « Si c’est grâce aux colons que je peux jouer du synthé, qu’ils me laissent les fouetter et je leur offrirais un djembé ».
Le son déjà sorti sur la mixtape Autopsie volume 3 de Booba était le rayon de soleil de la compilation. Une tuerie comme disent les jeunes. Je ne reviens pas dessus.

9. Miettes d’espoir
La punshline: « Le savoir est une arme: construisons nos propres stands de tir avant que l’ignorance nous tue »
Un son résolument positif comme le titre et qui montre que Despo n’est pas qu’une grande gueule qui affectionne la polémique.

10. Underground Music
La punshline: « Retire Mobutu c’est la guerre civile; Sadam, l’Irak se suicide: sans dictateur ni colon, on redeviendra cannibales »
Une réflexion sur la place de Despo dans la musique dans un contexte franco français. Il a l’argument de la franchise en sa faveur. Le gars est polémique mais extrêmement habile dans le choix de des victimes de ses attaques y compris dans le milieu de la musique.

11. Légitime Défense
La punshline: « L’Afrique. N’oublie pas le racket! Alors tu vas inhaler le mafé et le couscous et tu vas nous fermer ta gueule »
Bon, c’est très violent mais derrière cette violence de façade il y a de vrai revendication et une description froide de la réalité du terrain au bled comme en dans cette « Europe qui l’a trahi mais qu’il ne peut pas quitter ».

12. Rédemption
La punshline: « j’affectionne moins les drapeaux que les gens, l’homme peut suivre son cœur les drapeaux eux suivent la direction du vent »
Sous le ton de la confidentialité Despo livre une espèce de bilan de sa vie jusque là. Contrairement à d’autre il reste au niveau de la morale de la philosophie de vie plutôt que de s’intéresser au succès matériel.

13. Paris nord by night
La punshline: « Toutes les heures blessent, la dernière seconde tue »
Une hymne à Paris vu des yeux d’un banlieusard. On sent la fin de l’album car le ton et la pêche ne sont plus de rigueur.

14. Destination Finale?
La punshline: « Que Benoit XVI mettent des bling bling en pendentif aux formes de l’Afrique: elle aussi a été crucifiée »
La conclusion dans le fond et dans la forme.

Conclusion:
Vous l’avez compris, le « premier » album officiel de Despo Rutti est le catalogue Printemps-Eté des punshlines en français. Elles sont tellement incisives et bien rendues que l’on en oublie parfois que la musique ne brille pas toujours par son originalité. Mais après tout, l’attraction c’est Despo et son flow particulier. Il réussit à finir son album tout seul avec un seul featuring et de poids. Riens à dire le gars est resté constant et pas commercial pour un sous bref à ranger dans la nouvel sous catégorie « Adult Contemporary Rap ». Un seul regret en se qui me concerne, l’absence de la touche RDC (ou « Zaïrois comme il dit car RDC chez nous ça veux dire Rez-De-Chaussée » – dixit Poison) présente dans ses précédentes productions.

Les Bon Sons:
« Trashhh », « Dangeroots », « Underground Music » et surtout surtout « L’Oeil Aux Beurs Noirs » en boucle dans mes écouteurs depuis ce week-end.

Dans la même veine

5 Commentaires

Personnellement j’ai aimé « Arrêtez », et j’ai bien le beat de Redemption. En plus les paroles sont intelligentes.

Petite modification.. Despo c’est son 2ème album
le premier étant les sirène du charbon sortit en 2006 ( ?)

D’après ce qu’on m’a expliqué « Sirène du Charbon » n’est pas un album car il est sorti en indépendant et non dans un maison de disque « respectable » de la place. Mais pour moi aussi c’est lui le vrai premier album.

« J’dis Zaïre pas RDC parce que dans mon bâtiment ça veut dire Rez de Chaussée » c’est Escobar Macson non Poison.

Laisser un commentaire