De manière régulière au bled, un évènement, une élection, une loi, la gestion d’une crise remet en question la définition du blédard. Et lorsque cette remise en question est au centre d’un documentaire, le fait de le capturer permet le début d’une discussion intéressante qui ne peut aboutir qu’à une meilleur compréhension du bled et de sa complexité.
Un petit retour en arrière s’impose. Monsieur Robert Mugabe, Président du Zimbabwe de son état, a eu, un jour, une idée. Sur le papier, je dis bien sur le papier, elle paraissait lumineuse. Parti du constat que 80% des terres agricoles de son pays étaient détenues par 5% de la population, des blancs essentiellement, il a décidé de mettre en place une réforme agraire qui allait in fine redistribuer les terres parmi le restant de la population, les noirs quoi. Mais voila, son idée fut mal négociée avec les fermiers blancs. C’est donc à l’aide d’une loi taillée sur mesure et appliquée de force qu’il eu gain de cause. Le résultat est la situation plus que préoccupante qui prévaut actuellement au Zimbabwe.
Et si Mugabe avait été blanc… tel que dépeint par un caricaturiste Kenyan (source)
La polémique sur la nouvelle répartition des terres a été plus que couverte dans les médias. Plus par les médias anglophones que par leurs confrères francophones, avouons le. Ceux-ci n’évoquaient la situation que lorsque cela dérapait et qu’il y avait des blessés ou des morts à la clé. Et la situation a, hélas, souvent dérapé, à tel point qu’elle a pu être capturé en photo et sur film.
Ce que Mugabe and The White African, de Lucy Bailey et Andrew Thompson, et plusieurs autres reportages de plus courte durée ont essayé c’est de capturer ce moment. Cet instant étrange où l’homme cesse d’être un homme, où les grands idéaux s’envolent pour faire place à une bestialité qui ne s’arrête que lorsqu’un évènement tragique survient. L’originalité de l’approche de ce documentaire consiste à suivre le parcours d’un fermier qui décide de riposter. Il ne veut pas lâcher sa terre et estime que son principal bourreau et le président Mugabe en personne. Aussi va-t-il essayer de le contrer, légalement, en portant plainte contre lui tout en essayant de rester en vie sur ses terres convoités par une population à qui on a promis la fortune.
Il y a plusieurs éléments qui interpellent dans cette histoire. Tout d’abord je me suis demandé pourquoi ce colon s’attachait autant à cette terre au point de pouvoir y laisser sa vie. Et puis j’ai compris: ce n’est pas un colon mais bien un blédard qui a juste comme simple particularité d’avoir une peau blanche (d’où le titre « Mugabe and The White African » – ndla). Du coup, on comprend que les gens de la diaspora africaine se sentent interpelé par ce sujet car voici qu’il se passe au bled ce qu’ils vivent eux même plus au nord. Ils sont partagés entre ceux qui crient « bien fait pour eux nous aussi on souffre ici » et ceux qui au contraire compatissent et prennent en pleine figure le concept d’universalité de l’échec à l’intégration. Car c’est bien là un échec à l’intégration que vivent ces fermiers. Ils n’ont pas réussi à se fondre dans la masse des zimbabwéens à tel point que l’on peut encore les pointer du doigts et les stigmatiser en les traitant de colons esclavagistes.
Attention, je n’estime pas qu’une intégration réussie consiste obligatoirement à se diluer « physiquement », par métissage par exemple, dans le pays d’accueil. Pour moi, il s’agit surtout de trouver sa place parmi les autochtones du bled et de ne pas, comme l’on probablement fait les ancêtres de ce monsieur, se créer un vie à côté de ceux-ci. Car au final, on a toujours besoin de l’autre. Les fermiers paient donc ici le prix de plusieurs décennies passées à vivre à part, sans réelle création de liens forts et intangibles avec les indigènes, sans création d’un socle commun de valeur, bref sans création d’une nation à part entière.
Je ne soutiens en rien l’action du président Mugabe car il fait le tri entre ses administrés sur base de critères ethniques et nous savons que cette approche amène toujours au pire sur notre continent, demandez aux rwandais. Il ne peut même pas se cacher derrières des critères sociaux car aujourd’hui les plus grandes fermes du pays sont aux mains de la famille de son épouse (cf. affaire Nestlé – ndla). Mugabe a donc commis 3 erreurs: une erreur économique, une autre, sociale et une dernière, politique. Car en agissant comme il l’a fait, il a détruit l’équilibre fragile de son pays avec les conséquences que l’on connait sur la santé et le bien être de sa population.
Oui, Mugabe est en tort. Mais les torts de Mugabe ne doivent pas cacher ceux de ces fermiers où du moins de leur ancêtres. Il est important pour leur simple survie que ces blédards montrent des signes de leur volonté à s’accrocher aux habitants du Zimbabwe et ces signes doivent, à mon sens, être encore plus forts que ceux qu’ils démontrent en ce qui concerne l’attachement à leur terre.
Mugabe & The White African – Film Trailer
http://www.youtube.com/watch?v=7QXWBTHClj0
10 Commentaires
Eddy
Citation: « Parti du constat que 80% des terres agricoles de son pays étaient détenues par 5% de la population, des blancs essentiellement, il a décidé de mettre en place une réforme agraire » (fin de citation)
Cette formulation peut prêter à confusion. C’est pas tant que 5% détenait 80% des terres, mais plutôt parce qu’elles avaient été arrachées de force. La réforme agraire était une facon de lever une injustice.
Parce qu’à un moment, les noirs ont été spoliés de leurs terres.
LPN
@Eddy donc si je suis ton raisonnement on peut justifier une injustice par une autre injustice… intéressant. Je ne cautionne pas le comportement des fermiers blancs mais une solution négociée eu été meilleur. De plus, ces fermiers sont zimbabwéens avant d’être blancs sont des blédards et dans l’aveuglement de la réparation du spoile on semble l’oublier … à tort.
Eddy
Citation: « @Eddy donc si je suis ton raisonnement on peut justifier une injustice par une autre injustice… » (fin de citation)
LPN,
Ouèè kèèèèèèèèèèèè, hey ah Bôt-Makak! Pourquoi tu me fais dire ce que je n’ai pas dit non grand, je t’ai fait quoi?
Je n’ai rien justifié du tout Bao. J’ai « juste » précisé quelle était la raison des réformes de Mugabe, parce que ta formulation prêtait à confusion, c’est tout. Et si tu me relis, tu verras que je n’ai donné aucune appréciation personnelle là-dessus.
Et by the way, depuis quand c’est une injustice de reprendre à quelqu’un ce qui ne lui appartient pas? C’est le nouveau Droit Foncier Virtuel 3.0?
oniN
LPN,
Je te vole une maison, je la donne à mon fils qui vit dedans. Penses-tu demain que toi ou ton fils peut venir légitimement reprendre le bien, ou doit négocier avec mon fils pour occuper une pièce de la maison ? C’est là toute la question.
Et là pour le coup, il s’agit d’une vraie injustice dont les spoliés n’ont pas à subir les conséquences. Par contre, ceux qui en profitent ne peuvent pas nier qu’ils connaissent les conditions d’acquisition de ces terres. Devenus adultes, ils savent très bien ce qu’ils acceptent en héritage.
Eddy
oniN@
Citation: « C’est là toute la question. » (fin de citation)
C’est exactement cela. En ce qui me concerne, la conclusion est vite tirée.
Si j’hérite du produit d’un vol et que, en ayant eu connaissance, je le garde, eh bien je fais du recel. Et le recel est puni par tous les systèmes juridiques de cette terre.
Si j’hérite un terrain de mon père, et qu’il s’avère que mon papa a volé ce terrain à un tiers, ce serait assez injuste et même CULOTTÉ de ma part de commencer à batailler avec le véritable propriétaire du terrain ou ses héritiers. Et si d’aventure les ayant-droits sont diposés à négocier avec moi, c’est tout à leur honneur, et non un quelconque droit de ma part !! Faut pas pousser mémé dans les horties.
@LPN
Citation: « mais une solution négociée eu été meilleur. » (fin de citation)
Ce que toi et beaucoup d’autres oublient c’est que cette expropriation s’est faite dans le cadre d’un accord, dans lequel la Grande-Bretagne était aussi partie prenante (ne me demandez pas ce qu’elle vient faire dans une affaire zimbabwenne, mais bon, nessa les tanga’ns sont les maîtres du monde et doivent mettre leur bouche partout?! Enfin, soit!). Il y’a eu un accord. Accord que la Grande-Bretage n’a pas respecté. (j’ai failli ajouter « comme d’habitude », mais laissons).
Mugabe a fait deux erreurs capitales:
1. Il aurait dû D’ABORD s’assurer que la rélève est bien formée et prête avant de redistribuer les terres.
2. Il a sous-estimé les coups-tordus, qui, il devrait le savoir, ne pouvaient pas ne pas arriver.
oniN
Une illustration intéressante http://www.lemonde.fr/europe/article/2009/10/29/traite-de-lisbonne-vers-un-compromis-avec-vaclav-klaus_1259922_3214.html
« Mais, pour prix de sa signature, M. Klaus a également demandé que soit rédigée une dérogation à la charte des droits fondamentaux européens – document qui figure en annexe au traité. Il entend ainsi éviter que des particuliers allemands ne saisissent la Cour de justice européenne pour revendiquer des terrains ou des propriétés confisqués après la seconde guerre mondiale dans la région des Sudètes. »
Bien que les tchèques aient pris ces terres dans les années 50, ils savent bien que juridiquement, les descendants peuvent venir les réclamer. Ils s’en protègent, car il sait bien que le temps n’efface pas ce genre de forfaiture. Il ne suffira pas d’invoquer qu’on a construit une route ou un hopital sur ces terres, ça, c’est le pb des constructeurs….
Agbede
Les informations dont je dispose concernant la question de la distribution des terres au Zimbabwé, sont completements differentes de cet article dont le but est de faire passé Mugabé pour un Illuminé qui fabrique des lois selon son bon vouloir. Un dictateur fou senile.
L’histoire recente du Zimbabwé ne date pas de siecle et point n’est besoin de fouiller dans les secret du Vatican.
La reforme agraire était prévu je cite:
1979 : création éphémère de l’État de Zimbabwe-Rhodésie. Réintégration au Royaume-Uni. Accords de Lancaster House préparant l’indépendance du Zimbabwe et une redistribution des terres après 10 ans.
1980 : quinze ans après l’UDI de Ian Smith, les Britanniques accordent l’indépendance à la Rhodésie du Sud qui prend le nom de Zimbabwe, membre du Commonwealth. L’ancien chef de guérilla Robert Mugabe est le nouveau Premier ministre[1]
source :http://fr.wikipedia.org/wiki/Zimbabwe
Mugabé a attendu 20 ans(contrairement aux accords qui prévoyaient 10 ans) et c’est face au refus des Blancs et de L’angleterre à appliquer les accords que les elus du Zimbawé ont Pris leurs responsabilités.
Voilà la verité sans passion. Alors de Grace que lepetitnegre.com arrete de raconter n’importe quoi!!!!!!!!!!!!
Agbede
super ton intervention j’approuve à 100%
MastaP
@Agbede – Merci de participer au débat en nous éclairant de tes infos, tachons cependant de rester correctes entre nous. Je ne remets pas en cause la base légale des actes du vieux Mugabe mais la manière. De même, je ne dédouane pas les « white africans » de toute responsabilité dans la crise. Sachons donc faire la part des chose dans un conflit où les responsabilités et les torts sont partagés.
agbede
MastaP
je m’excuse d’avoir été un peu excessif
En effet étant ivoirien, qui a vécu les évènements de nov 2004
rappel: sous le douteux prétexte que l’armée ivoirienne aurait pour des raisons mystiques attaqué leur camp faisant 10 morts: 9 soldats français et un réassortissant américain (dont on a jamais vu le/les cadavres 5 ans après), l’armée française à tirer avec des armes de guerre à Abidjan sur des jeunes ivoiriens au mains nues qui chantaient en chœur l’abidjanaise.(hymne national)
Ayant été témoins des ces faits qui ont été déformé et falsifié sur le net et dans les médias, j’avoue être un peu révolté quand les dirigeants africains sont systématiquement cloués au pilori au moindre acte qui va à l’encontre des pays européens. (ça c’est un autre débat)
concernant Mugabé, il a plus besoin de conseil constructeur que d’injures, car ceux qui meurent de ses erreurs sont innocents. Tuer Mugabé ne ressuscitera pas les morts. Il a besoins d’aide plutôt!
Excuses sincère pour propos déplacés!!!
Agbede