« Je sais ce que veut le peuple ». Combien de fois ai-je entendu cette phrase au bled ? Mille fois ? Deux mille fois ? Certainement plus. A chaque fois je me disais: « Mais comment il fait lui pour savoir tout ça ? ». C’est vrai quoi, je n’ai jamais vu le gars dans le village, au bar du coin, au terrain de foot ou même au culte. Mais manifestement, il sait parfaitement ce qu’il faut pour faire mon bonheur et celui de tout mes concitoyens. Est-ce de la magie noire ou bien de la haute technologie ? LPN enquête …
Cela est raconté sous forme de boutade parce que la situation est somme toute cocasse mais elle traduit pourtant une réalité du terrain. Nous sommes au 21ème siècle et il semble acquis de manière universelle que un dirigeant est le gestionnaire des biens d’une collectivité. Il n’est pas, bien sur, un simple comptable car il s’est présenté au job avec un plan (ndla: vulgairement appelé « programme de gouvernement ») et tout l’exercice de son CDD consiste à mettre ce plan en exécution. Ceci étant dit, nous sommes en droit de nous demander d’où vient ce plan ? En toute logique il est constitué en partie d’idées guidées par l’idéologie politique du parti du candidat (ndla: j’ai déjà eu l’occasion de m’épancher sur ce sujet). La seconde partie, fatalement, doit quand même venir de l’électorat et c’est là où réside le grand mystère.
Chez les biblos, en plus des relais locaux des partis, on a recours (un peu trop?) massivement aux informations provenant des Instituts de Sondage. Ces établissements sont un savant mélange entre une cellule de recherche comportementale universitaire, avec plein de profs et de chercheurs pour valider la recherche, une agence d’espionnage, car ils savent tout sur vous, et un boite de marketing, pour une présentation calibrée des résultats. Ces gens peuvent vous soutirer n’importe quel renseignement sur vos conditions de vie sans vous poser la question extraordinaire (ndla: quoique le harcèlement téléphonique peut être considéré comme une forme de torture). Ils peuvent compiler tous les chiffres, expliquer leur signification réelle et même son contraire avec le même zèle. Et si d’aventure ils se trompent et que les faits leurs donnent tort, ils peuvent expliquer pourquoi ils se sont trompés. Mais voilà ce secteur est embryonnaire au bled et les multinationales du milieu ne ce sont pas encore suffisamment délocalisées bled. C’est dire que nos dirigeants même si ils en avaient l’intention n’ont pas recours à eux. Mais alors que leur reste-t-il sinon l’art sacré de la divination ?
Au bled comme ailleurs on se base sur le fait qu’un gars a des origines modestes pour dire qu’il représente la base et qu’il sait de quoi il parle. Mais après 5, 10 voire 20 ans ou plus au pouvoir, est-il toujours en phase avec la rue ? J’ose en douter. Sachant que nos gars ne font confiance à personne pour maintenir ce contact, ils se basent souvent sur une vision erronée de la situation pour prendre des décisions de facto inadaptés. A la réflexion, je pense que le problème c’est posé partout de la même manière et que certains l’ont déjà solutionnée: Avant même l’usage des sondages, certains ont eu recours à des mandats courts et limités en nombre. On peut ainsi avoir en permanence des candidats fraîchement issus de « la rue » et conscients des réalités qu’ils ont à gérer. Voilà c’était mon quart d’heure d’utopie mensuel: j’espère que vous ne m’en tiendrez par rigueur.