C’est Le Bouquet

Les chiffres sont tombés et ils parlent d’eux même. L’engouement qui avait été perçu en France pour les chaines de télévision communautaires c’est traduit par de très bon résultats d’exploitation des premières offres mises sur le marché. Analyse d’un phénomène du 21ème siècle.

En affaires comme ailleurs, la chance ne sourit qu’aux audacieux. Les audacieux ici ce sont ces groupes de personnes qui ont pris le pari d’investir dans un média en perte de vitesse: la télévision. La bonne vieille TV, dont le certificat de décès est prêt à être signé dès que l’on aura enterré la presse papier, est en pleine crise. Crise ou plutôt mutation car c’est de cela dont il s’agit. La libéralisation des ondes et la mondialisation ont donné lieu à une augmentation exponentielle de l’offre. Les grosses chaines généralistes sont systématiquement concurrencées dans des segment spécialisés: musique, culture, sport, info etc… Pour tous ces sujets, il existe une chaine spécialisée qui fait mieux le boulot et qui est plus réactive. Il n’en fallait pas plus pour que les sujets communautaires subissent le même traitement. Le journal Le Monde parle de chaines « ethniques », mais moi je les vois plutôt comme des chaines communautaires car la notion d’ethnie n’a plus de sens à mes yeux depuis que le monde est mondiale. Voilà donc que nos aventuriers lancent Le bouquet   communautaire africain en suivant l’exemple des frères Tang avec leur bouquet asiatique « La Grande Muraille« .  Sans tapage publicitaire, la chaine compte déjà 15.000 abonnés au 30 juin à la grande satisfaction des investisseurs.

offre des chaines télés africaines chez Free
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Doit-on s’étonner du succès d’une offre pas si extraordinaire ? Le bouquet regroupe des chaines publiques et privées d’Afrique francophone (Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Cameroun, du Burkina Faso, du Mali et, désormais, du Congo-Brazzaville) dont nous avons déjà évoqué la qualité pitoyable dans cette tribune. Son succès auprès d’un public qui a pourtant le choix démontre le vide en terme d’image qui caractérise le paysage audio visuel mondial en général et français (francophone) en particulier. Comme le dit un ami malien, « c’est le seul moyen de voir (et entendre) des gars du bled à la télé« . Je vois donc ce succès comme une étape préliminaire d’installation d’un public de base. Une fois cette phase nostalgie/découvert passée, ce même public va devenir plus exigeant et demander de la qualité. Autre changement d’approche celui qui consiste à proposer les chaines tel quel plutôt que sous forme de patchwork hétéroclite sous la dénomination de TV5 Afrique ou CFI. Ici les programmes font le chemin inverse et s’adressent à un public de blédard en Europe. J’ai pu observer le même phénomène au bled où les chaines privées à gros budgets prennent de plus en plus une envergure régionale voire continentale (M-Net, MTV Base) plutôt que simplement nationale.

En discutant avec un ami turcophone du sujet, il m’a expliqué que vu que la Turquie avait son TurkSat , une telle offre sur le câble ne pourrait pas exister pour leur communauté: on ne peut pas concurrencer un paquet satellite de 100 chaines. C’est dire que le bouquet africain s’est construit sur un constat d’échec de certains diffuseurs africains ayant de la peine à dépasser leur pays et parfois même la simple capitale. Je ne serais pas étonné si dans un avenir proche des chaines de télé virtuelles (comprendre sans émetteur terrestre) se mettent à foisonner sur le câble. TRACE TV est déjà considéré comme tel et elle  a enregistré des entrées à hauteurs de 20 millions d’euros en 2008. TRACE est l’exemple de cette adaptation progressive dont je parle plus haut. Ceci est donc un message pour nos créateurs de programme du sud. Il faut relever le niveau et la qualité des programmes car un marché a été repéré et si ils ne sont pas réactifs d’autres vont prendre la balle au bond.

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