Le plus grand pari pour un bledard expatrié c’est de réussir à manger comme au bled. Que ce soit la diaspora ou les blédards de passage, trouver une bonne adresse relève parfois du parcours du combattant. Mais quels sont donc les freins à l’essor du business des restos africains ?
On s’en est rendu compte dès l’Université. On avait quitté le bled depuis 6 mois et on commençait sérieusement à en avoir marre du cycle spaghetti, frites, pomme de terre. Alors, armez de nos maigres économies et des restes de la bourse, on s’est mis en chasse pour repérer un bon resto africain. Après une courte recherche il n’y avait que 2 adresses à cette époque dans tout Bruxelles. N’écoutant pas dame prudence, on a choisit celle d’un resto situé dans un quartier bourgeois de la ville. 3 heures plus tard on est ressorti de là plus affamé qu’à l’entrée, avec une rage terrible et des portefeuilles sérieusement amaigris. Imaginez: une seule minable banane plantain par personne, une demi cuisse de poulet à la mouambe et quelle feuille de manioc (pundu/isombe). J’ai un pote à qui on avait servi un tilapia du RD Congo mais qui jusqu’aujourd’hui jure qu’il s’agissait d’un bête poisson d’élevage local. Bref le jugement était sans appel: même avec la plus grande volonté il n’y avait pas moyen de retourner dans ce resto ni de le recommander sérieusement à quelqu’un en disant voilà un resto typique blédard, et ce n’est pas le sourire de la patronne et l’animation au djembé avant le dessert qui y changera quoique ce soit.
Je crois que ce constat tous les blédards l’ont fait: la quantité et le prix sont les facteurs limitant notre présence dans les rares restos africains qui ont pignon sur rue. Et c’est également ce qui justifie leur échec commercial. D’autant plus qu’il existe (découverte salvatrice) une concurrence sans pitié avec les traiteurs africains ainsi que les cuisines informelles et clandestines des mamas du bled.
Je me souviens d’une virée mémorable dans un nganda parisien (resto informel congolais – ndla) à une adresse que je ne pourrais pas retrouver tellement le coin est bien planqué. Tout était au rendez-vous: la quantité et la qualité made-in bled. Et le tout à un prix raisonnable et dans une ambiance qui m’a ramenée à des milliers de kilomètres au Sud. L’échec des restos africains c’est sans doute également l’échec dans la restitution de cette atmosphère quasi familiales qui rend les mets plus savoureux. On a pour des raisons d’acclimatation décider de faire tout ça par touches infimes et le résultat est un établissement de type européen avec des motifs africains ça et là. Le raffinement se retrouve aussi dans la présentation des mets. C’est beau certes mais au dépend de la quantité. On me dit souvent que cela est lié au prix des denrées venues d’Afrique mais la maman congolaise de Paris se fournissait aussi chez les mêmes grossistes.
J’ai évoqué là les restos haut de gamme, mais il y a aussi ceux qui nous tapent la honte. Il y a ce resto camerounais de la place dont le menu évolue au cours de la soirée. Pire, une fois la serveuse, après avoir pris notre commande, est sortie … faire les courses: on a mangé 2 heures après.
Un plat unique pour 4 personnes, composé d’une grande galette au fond du plat, puis des oeufs, de la viande hachée, des pilons de poulet, du choux, des carotes etc. Nous enveloppons avec un morceau de galette les différents ingrédients et la mangeons à la main.
© Voyages à Djibouti
Il y a un problème de gestion de la gastronomie africaine. Les bons restos existent mais ils sont (très) rares. La cuisine informelle et les plats-préparés-à-emporter-pour-déguster-à-la-maison-dans-l’ambiance leurs livrent une concurrence terrible dont ils se remettent difficilement. Il existent pourtant une clientèle. Pas seulement nous les blédards mais également une flopée d’autochtones qui nous soupçonnent à tort de garder les bonnes adresses entre nous. Ce n’est pas qu’on les cache c’est qu’on en a pas qui ne nous taperaient pas la honte. Ils vont quand même essayer de s’incruster à la maison mais on leur fait comprendre qu’il n’y a que des portions pour les parents, mes 10 frères et sœurs avec leur conjoints, enfants et moi (Véridique). Cependant pour ceux qui veulent bien s’aligner sur les prix exorbitant pratiqués dans les beaux quartiers ont aura toujours une adresse pour vous. En attendant, comme dit un pote congolais, « je ne remettrais les pieds dans un resto africain que si le cuisinier est meilleure que celle de ma mère ou une de mes sœurs« . Mesdames et messieurs les chefs, vous êtes prévenu.
4 Commentaires
Roberta
« Il y a un problème de gestion de la gastronomie africaine »
C’est fort possible.
En tant que Français (ie plus amateur de bonne bouffe que la moyenne des personnes sur cette plantère), je sais distinguer la cuisine japonaise, chinoise, thaïlande et indienne. J’adore même la cuisine asiatique.
La nourriture africaine… euh, ben, je gouterais bien, mais où ??? D’ailleurs il n’y a même pas l’équivalent des frères Tang (ou alors je ne connais pas, et j’ai la chance de connaitre les frères Tang parce que j’ai trop trainé dans le 13ième à Paris).
Ce qui est rigolo, c’est que j’ai l’impression qu’un thaïlandais venu en France ne pense qu’à ouvrir son restaurant. Et qu’en plus ça marche bien ce genre de restaurants. Pourquoi la diaspora africaine ne fait pas pareil ? Mince quoi, j’aimerai bien gouter aux sauterelles grillés !
(oui, j’admet que l’impression est faussée dans la mesure où les seuls thaïlandais que je connaisse… sont dans la restauration. Je ne suis peut-être pas un cas représentatif. )
Le Petit Blanc
Pas besoin de venir du bled… essayez déjà de trouver une tartiflette mangeable dans cette ville où il y a plus de pizzerias qu’à Rome… un pot-au-feu… un cassoulet qui ne soit pas de chez William Saurin… et les Turcs du coin mettent de la betterave dans leurs kebabs. Pays de sauvages !
PS : « Roberta », désolé de te briser le coeur, mais les frères Tang ne s’appellent pas Tang mais Bounmy et ils ne sont pas chinois non plus; ils appartiennent à une mafia laotienne… y a eu un procès au début des années 90, et ils ont une belle collection de casseroles au cul; pas le genre de casseroles dans lesquelles on ferait cuire du riz, tu vois ^^
MastaP
Les frères Tang ne sont pas chinois ??!!! Encore un mythe qui tombe. Merci pour l’info, LPB. Je vais creuser cette affaire …euh… googler cette affaire (restons raisonables).
Roberta
Quand je parle des frères Tang, je ne parle pas de leurs propriétaire, mais de l’enseigne. Qu’ils soient chinois ou laotiens, je m’en tape. D’ailleurs c’est bourré de conneries asiatiques leurs supermarchés, et non exclusivement chinoises.
Ces supermarchés (enfin surtout un, avenue de Choisy) où tu peux faire tes courses le dimanche, ramener plein de ramen bon marché, de riz en vrac, tester plein de conneries dont tu ne comprends l’étiquette que grâce à l’autocollant avec une traduction succinte en Français, et le tout ouvert le dimanche !!!
Et même hors leurs supermarchés, il n’est pas rare de voir des produits asiatiques ‘importé par Tang Frères, Paris 13′. Il y a leur concurrent aussi, Paris Store, toujours dans le même quartier.
Sinon, il y a un restau suisse dans les sablons (raclette et fondus), mais j’ai jamais testé. Je crois aussi que pas loin de la grand’ place aussi il y a un excellent restau à raclette (tiens, va falloir que je me renseigne). Peut-être pas de tarfiflette, c’est sur que… mince, tu me donnes faim !
Mais effectivement, si tu vois du cassoulet à la carte en Belgique, je confirme : évites !