Comme nos plus anciens lecteurs le savent, lepetitnegre.com se targue d’être un site de réflexions décalées qui abordent parfois sérieusement des sujets graves. Aujourd’hui c’est donc l’un de ces sujets délicats dont nous allons parler, j’ai nommé: le Terrorisme (c’est grave donc on met un T majuscule 🙂 . Si ce mot fait malheureusement partie des lieux communs du monde moderne, j’ai quand même du mal à cerner sa déclinaison blédarde.
Aujourd’hui, le Terrorisme est devenu synonyme d’une action violente perpétrée par des extrémistes se prétendant plus musulmans que le Grand Mufti. Cela est tout à fait faut mais c’est une conséquence de la surenchère politico-médiatique sur le thème. Ces conclusions généralistes et parfois stigmatisantes pour tout arabe et/ou musulman ont été favorisées par l’identité des membres des groupuscules ayant plus ou moins pignon sur rue et utilisant le véhicule médiatique pour se faire un nom. Ce procédé étant acquis et compris que dire lorsque un acte terroriste est perpétré à l’aveugle et non revendiqué par quelque groupe que ce soit ? Cette situation ubuesque est celle d’un petit pays du bled bâtis sur milles et une collines (le Rwanda dans le texte pour ce qui n’ont pas compris :ndla).
Alors que la date du scrutin présidentiel approche à grands pas et que les jeux sont déjà faits, l’ambiance dans le pays devrait être d’un calme plat (Paul Kagame sera plus que certainement reconduit dans sa fonction de chef de l’état par manque de candidats sérieux inscrit par la Commission Électorale :ndla) . Or coup sur coup ses derniers mois les organes de presse ont fait part d’attentats perpétrés dans la capitale Kigali et quelques villes de l’intérieur.
Au départ cela a prêté à sourire car en guise d’explosif, les terroristes blédards ont fait usage de grenades. C’est ce qui a fait dire aux railleurs que l’adage « petit pays petit moyens » est plus que jamais de mise. Mais cela à aussi fait dire à d’autre que les auteurs des attentats étaient donc forcement des citoyens rwandais. D’où la question naturelle qui en découle: comment le savent-il ? Parce que si ce que disent les journaux est correct ces attentats « petit bras » n’ont pas été revendiqués.
On se souvient que quand Al Quaeda a frappé les intérêts américains au Kenya les dégâts étaient considérables et la revendication étaient sans équivoque. Ici non seulement les lieux frappés ne sont pas des possessions étrangères (marchés, gares routières, mémorial des victimes du génocide) mais en plus les personnes visées ne sont pas des officiels locaux mais bien monsieur tout le monde. On comprend mieux alors ceux qui en déduisent qu’il s’agit là d’un problème rwando-rwandais. Ceci étant on est en droit de s’interroger sur la finalité d’un attentat à l’aveugle par des personnes inconnues. Qui veux-t-on pénaliser? Contre qui s’oppose-t-on? Quelles sont les revendications et qui revendique ? Toutes ces questions restent sans réponse laissant les observateurs pantois.
La ville de Kigali, capitale du Rwanda (source)
Pourtant les autorités de Kigali et les forces de police en particulier n’ont pas été avares en communication. Elles ont d’abord identifié des aigris de 1994 en mal de sensations fortes, puis ce fût une action des forces d’opposition cachées dans les forêts insondables du RD Congo et plus récemment ce fut l’œuvre d’une faction rebelle des forces armées soutenue en plus haut lieu par un ancien compagnon d’arme du Président Kagame. Cette succession d’affirmations fermes ne sont pas faites pour rassurer mais elle montrent toutes une chose: l’ignorance fait plus peur que la certitude. Elle permet aussi à l’imagination fertile des uns comme des autres de s’exprimer plein pot. Personne ne revendique les attentats mais personne à part les autorités ne les condamne ouvertement. Même l’opposition en exil a l’air pris de court à tel point qu’elle affirme parfois que c’est le pouvoir lui même qui orchestre ces actes afin de maintenir une pression sécuritaire sur le pays. En clair, officiellement personne ne sait rien sur rien ou bien le dit tellement bas que personne n’entend rien.
Il n’empêche que les rwandais restent des blédards mystérieux. Tous les indicateurs économiques ont beau les placer en bonne position par rapport au reste du continent ils semblent s’obstiner à scier la branche sur laquelle ils sont assis. On sait aujourd’hui qu’ils se livrent entre eux, et ce depuis bien avant leur accession à l’indépendance, à des guerres secrètes internes. Ces conflits secrets sont très certainement biens plus complexes que la simplification bipolaire que l’on nous a présenté comme explication principale des tristes événements sanglants de 1994. Mais face à cette complexité, les rwandais doivent comprendre que le monde extérieur aura beaucoup de difficulté à prendre position dans leurs conflits si ceux-ci sont larvés et secrets. Si il y a une injustice quelque part: il faut la dénoncer, si il y a un antagonisme ou une « vision » différente, il faut l’ affirmer; mais à force de voir les blédards rwandais s’enfermer dans leurs secrets, le reste du monde risque de s’en laver les mains et d’estimer, cette fois avec raison, qu’il n’y a pas lieu d’intervenir dans ce charabia.