Et c’est reparti pour un tour. Pour redorer son blase, Brice Hortefeux, le bouillant ministre français des affaires-dont-personnes-ne-veux-se-charger-mais-que-l’on-doit-quand-même-traiter, décide de déterrer le concept du CV anonyme. Enterré en 2006 sous l’ère Chirac-Rafarin alors qu’il avait fallu une loi pour lui donner vie, ce gadget est censé mettre un sérieux coup de frein à la discrimination à l’embauche. Je suis de ceux qui pensent le contraire et voici pourquoi.
Parce que l’identité ne se résume pas à un nom. Il y a bien ce « biblos » (dire un blanc c’est péjoratif – ndla) que je connais et qui a la particularité d’avoir un nom blédard car c’est le nom du meilleur ami de son père qui se trouve être… un blédard!! Mêmement bon nombre de blédards sans parler des antillais ont des noms qui ne trahissent pas leur origine. Les DRH ce sont donc équipés depuis belle lurette de moyen plus subtiles. Ainsi lieu de naissance, lieu d’obtention du diplôme, expérience précédente sont autant de tuyaux pour débusquer le blédard. De plus, si un CV anonyme mentionne un individu qui parle kiswahili et kikuyu en plus de l’anglais et du français, il y a de fortes chances, je dis bien de très fortes chances (mais c’est pas sûr à 100% dans ce monde qui ce mondialise – ndla) que ce soit un blédard. Résultat: le candidat va supprimer ou faire supprimer de son CV tout élément qui peut le faire passer pour un blédard au risque d’enlever certains éléments qui auraient pu jouer en sa faveur comme le fait d’être polyglotte.
Parce que on doit savoir QUI n’engage pas les bledards. Il y a manifestement des sociétés qui ont « une politique zéro émission blédard » ( qui vient de parler de IKEA ? – ndla ) sinon on n’en viendrait pas à légiférer. Sans même vouloir entrer dans la polémique du pourquoi de cette politique de recrutement sélective, je plaide pour que l’on sache quelles sociétés recalent systématiquement des blédards. La présence d’un blédard est un gage de diversité et de qualité du lieu de travail (parait-il:ndlr). Son absence, en revanche, sera une raison sans faille pour éliminer une société concurrente du marché. Je rappelle que si la première victime du racisme c’est le blédard, la suivante est bien le raciste lui même. Donc temps pis pour ces sociétés là elles n’auront eu que ce qu’elles méritent.
Entretien d’embauche anonyme (source)
Parce que le premier entretien est un faux espoir : « l’anonymat permet d’arriver au moins au premier entretient » c’est l’un des arguments que l’on sort le plus volontiers. Je me pose en porte à faux. A quoi cela sert-il si de toute façon la boite ne prend pas des blédards ? A gaspiller le temps du recruteur et des candidats qui se déplacent pour rien ? L’un va jouer d’une ingéniosité mal placée pour trouver un prétexte bidon pour éliminer l’autre. Ce même autre va passer son temps à observer les réactions du premier à la recherche d’un signe avant coureur de rejet. A moins que l’on ne mette en place un premier entretient anonyme dans lequel l’accent, le visage et le sexe seront masqués. Autrement dit c’est beaucoup d’effort, alors que à la clé, le candidat ne sera pas retenu.
Parce que ça ne marche que dans « les grosses boites »: dans les grosses boites c’est comme dans l’industrie. Les travailleurs à la chaine ne sont pas réellement filtrés: les patrons en prennent et en virent « en gros« . Pour ces travaux qui ne sont pas moins honorables, rendre un CV anonyme n’a aucun sens car le poste convoité peu être occupé, à priori, par n’importe qui. Si on suit l’actualité de ceux qui se plaignent de discrimination, on les trouve plutôt localisés dans le tertiaire: le secteur des services. Là où l’on engage « à la pièce« . Ce secteur est devenu très important en volume et c’est pour cela que le bruit se fait entendre. Mais c’est également un secteur qui se base essentiellement sur la proximité avec le client et avec les collègues. Cette proximité est de facto contraire à l’anonymat prôné ici et c’est ce qui m’amène à mon 5ème argument.
Discrimination à l’embauche (source)
Parce que 80% des jobs sont obtenus par copinage et non sur annonce. Bon, je gonfle un peu les chiffres c’est vrai. En fait ce sont 50% des jobs mais de mon expérience personnelle la moitié des 50% restant sont de fausses offres d’emplois car les « candidats » que l’on voit arriver sont déjà « connus de nos services ». Ils passent un entretien pour la forme et hop c’est dans la boite. C’est grâce à ce stratagème que l’on peut faire rentrer son fiston dans une boite, obtenir des stages et, pour les plus calés d’entre nous, sauter de boite de consultants en boite de consultants. Donc à part quand le secteur en manque de personnel et aux abois face à une pénurie chronique d’employés qualifiés, on ne regarde jamais le CV. Et dans le cas contraire on prend la personne que l’on a la chance de trouver quelle qu’elle soit et on prie pour qu’elle ne trouve pas mieux ailleurs dans l’année.
Qu’on le veuille où pas la discrimination à embauche n’est que le pâle reflet de celle qui existe déjà dans la société. Le CV anonyme est donc une tentative de résoudre le problème en le prenant à l’envers. Il serait plus logique de s’atteler à résorber la séparation des français en communautés vivant en autarcie afin de récolter les fruits de cette intégration nouvelle dans le milieu du travail que d’espérer le mouvement inverse.
Flynt – La gueule de l’emploi
http://www.youtube.com/watch?v=WZG4ExLYL48
6 Commentaires
saroune
Effectivement je viens appuyer ton 5 e argument. Qui est recruté par CV de nos jours dans le tertiaire ? Honnêtement. Au lieu de faire de créer des concepts vaseux de CV anonyme il faut dire à tous les jeunes noirs et arabes DE RESEAUTER ! Et surtout d’être solidaire devant l’adversité.
Etum
Le point 5 est pas mal. Maintenant que faut il faire?
LPN
@Etum, je pense que saroune répond à ta question, il faut que de notre côté on résaute .. en bon français 😀 . N’ayons pas peur de se pistonner entre nous… bien sur si on a les qualités requises 😉
Eddy
Le CV anonyme représente le summum de l’hypocrisie.
Vera
@LPN
Pour pouvoir pistonner se pistonner entre nous,
faudrait déjà peut – être qu’on occupe des postes de décision.
Et ca, c’est très rare….
mm
A LPN,
Je pense que Saroune voulait vraiment dire « réseauter » dans le sens réseau, se créer des réseaux:)) Sinon, sa phrase n’aurait eu aucun sens.
Je suis d’accord sur ce qui a été dit d’autant plus que j’en fais moi-même les frais, aussi bien dans le privé que dans la fonction publique.
Juste une remarque pour MASTAP : attention quand même aux fautes d’orthographe…