En décembre dernier, alors que je faisais le chemin en bus entre deux villes dans la région des Grand Lacs, j’ai assisté à une scène qui m’a dérangée. Nous nous sommes arrêtés à une station service / grill-bar / toilette publique en milieu du chemin et pendant le ravitaillement un petit albinos est venu mendier près du bus. Lorsque le chauffeur est remonté dans le véhicule, il l’a chassé en lui criant: « Vas plutôt en Tanzanie là bas on a besoin de toi ». Ces mots ont provoqués l’hilarité de tous les passagers mais moi je suis resté muet car je ne comprenais pas l’allusion. Ce n’est que plus tard que j’ai appris à la radio qu’une véritable chasse à l’albinos était lancée en Tanzanie et au Burundi. Pourquoi ? Pour qui ?
Dès Novembre 2008, un afflux massifs d’albinos dans les camps du HCR d’Afrique centrale et de l’est avait déclenché l’alerte. Des adultes, des jeunes et parfois même de gamins fuyaient leurs villes et villages du Burundi et de Tanzanie. En cause, la mort suspecte d’albinos dans la région. Suspecte parce que l’on ne retrouvait pas les corps ou bien on les retrouvait étrangement mutilés. Les enquêteurs ont vite fait de démontrer que c’était le retour de vielles pratiques liées à la sorcellerie. Les organes des albinos étaient autrefois connus pour leur prétendues vertus magiques.
Les prix pour obtenir un petit albinos à sacrifier sont très hauts et autant d’argent en temps de crise: ça fait perdre la tête. On a beau enfermer et sanctionner les sorciers qui pratiquent ce genre de rituels il n’empêche que le mal est là et il est profond. Cette blague de Eddie Griffin me revient à l’esprit : « Deux blackos peuvent donner naissance à un blanc, ça appelle un albinos. Si deux blancs donnent un noir alors il s’est passé autre chose car : un blackinos ça n’existe pas ». Lorsque l’on voit la persécution quasi raciale dont sont victimes les albinos on se rend compte que personne n’a lu d’info sur ce qu’est l’albinisme. La misère dans laquelle sont plongés certains coins du continent permet à ce genre de dérive de remonter à la surface. Et cette misère n’est pas que financière car il y a également tout un travail à faire dans les esprits. Bien que victime hors d’Afrique d’être la minorité visible, nous ne somme pas un exemple chez nous intégration de la différence visible. J’ai parlé des albinos mais il en va de même de tout autre forme d’handicap visible. Selon moi le seul moyen de tordre le cou à ces dérives et de déverrouiller autarcie dans laquelle on a enfermé nos populations. Elles doivent savoir qu’il existe un ailleurs, une autre façon d’aborder la vie et la mort. Elle doivent découvrir que chaque individu mérite le respect car il suffit de se déplacer de quelques kilomètres pour devenir soit même une minorité.