Cette année l’Angleterre a connu son premier débat présidentiel télévisé. Enfin je dis « présidentiel » alors que je devrais dire « premier ministériel » vu que le pays est un royaume. Tout cela pour dire que je me rends compte que, finalement, cet exercice qui semble naturel pour une personne ayant grandi sous le joug culturel français (et pan!) n’est pas si répandu que cela sur la planète. De là à imaginer sa pratique au bled, il n’y a qu’un pas que nous franchissons avec l’élégance d’un troupeau d’éléphant lors d’une charge dans une plantation de cacao :).
Dans le doute j’ai donc questionné des blédards qui s’intéressent ne fut-ce que un peu à la politique. Tous ont en mémoire au moins un débat présidentiel français en tête. En fonction de l’âge de la personne interrogée, les adversaires changeaient mais il y avait une constante: tout le monde avait retenu les « punchlines », les petits mots, les attitudes, la gestuelle. Au bled particulièrement, je me souviens que cela alimentait et alimente toujours les conversations des semaines encore après le débat. Car celui-ci était diffusé en direct … jusqu’au jour où les hommes en place se sont rendu compte qu’on finirait par leur demander de se livrer au même exercice. Que ceux qui ne me croient pas se reposent la question de savoir comment le hip-hop américain est soudainement devenu du hip-hop dans leur langue du bled sur des problématiques bien du bled.
Cette engouement pour le débat traduit une réalité de la façon de faire de la politique dans la civilisation concerné. Il y en a pour qui seul les programmes et les actions comptent peut importe qui les pose. Il en y a d’autres, et c’est leur droit, pour qui la forme et le porteur du programme sont tout aussi important que le fond qu’ils défendent. Au bled, particulièrement, le chef, le patron, le propriétaire de tous les dossiers se doit de savoir bien parler pour être respecté et assoir un semblant d’autorité. Si ce n’est pas le cas, alors seulement on le voit recourir à la violence physique. Ainsi plusieurs de nos chefs ont pu se maintenir en poste rien que parce qu’ils avaient le verbe facile ou, et c’est là que cela nous intéresse, parce qu’il s’exprimaient mieux que leur adversaire. Si Kabila et ses alliés n’avaient pas déposés Mobutu par les armes, personne n’aurait jamais pensé les deux hommes égaux. C’est pour ça que tout homme politique certain de sa capacité à tchatcher va pousser pour débattre publiquement, devant le peuple (que l’on appelle aujourd’hui téléspectateurs, pour des raisons technique 🙂 ). Mêmement, un gars pas sur de lui évitera, autant que faire ce peux, l’exercice devenu piège.
Okay, maintenant qu’ils ce sont vu, on veut un vrai débat avec caméra et joute verbale s’il vous plait
Mais nous, public averti ou non, nous réclamons ce débat pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce qu’il nous donne l’illusion de bien choisir sur pièce. On a entendu le gars pour qui on va voter en situation. On l’a vu se défendre à armes égales contre un challenger. On estime savoir ce qu’il vaut et alors voter en conséquence. Car on a l’honnêteté de reconnaitre que l’on a pas lu le pavé de deux cent pages qui contient son programme de gouvernement (si pour autant il y en a un) et auquel on ne comprend rien car trop technique. Le challenge pour le politique étant d’être compréhensible même pour le plus illettré d’entre nous. On veut entendre ces mots qui ferons basculer le vote pour l’un et pour l’autre. Personnellement, je suis ces débats comme je suivrais un beef/clash entre deux rappers. Le fond ne m’intéresse que pour comprendre l’uppercut verbal qui vient d’être asséné à l’un ou la parade dialectique qui a permis à l’autre de l’éviter. On ne sait jamais ça peut resservir en situation.
Et nos gars au bled nous privent de cela, pourquoi ? En plus des raisons évoquées ci-dessus j’en vois une autre plus fondamentale ou plutôt deux.
La première est que nos politiques n’ont pas l’habitude de se justifier devant leur concitoyens. Je suis le patron donc je n’ai de comptes à rendre à personne. C’est autre chose si il s’agit d’un journaliste étranger bien sur car comme le dit son nom il est étranger à l’affaire, d’où une certaine frustration de la presse locale que tout le monde connait.
La seconde raison est toute aussi grave: il est difficilement concevable de descendre de son piédestal pour traiter de sujet d’égale à égale avec un gars qui prétend occuper votre siège. D’où l’élaboration de stratégies pour « diplomatiquement » éviter la confrontation: l’élection à un tour en est le plus connu.
Donc voici le plan pour arriver à nos fins: convaincre le président que c’est un tribun hors pair qui boufferait n’importe qui au cours d’un joute verbale et que cela lui permettra d’être re-élu sans même bourrer les urnes. Et vous verrez: on l’aura notre débat.
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