Dans la première partie de ce billet (d’humeur ?), j’ai tenté de poser quelques-unes de mes réflexions et « définitions » sur les connexions des musiques du monde et je terminais par ce qui, selon moi, est la caractéristique principale des musiques actuelles : la fusion.
Si l’on met de côté, la musique « purement ethnique », liée par exemple aux cérémonies, cultuelles ou non, et en quelque lieu que ce soit sur notre planète, ce que nous écoutons tend de plus en plus à refléter la rencontre des styles et des genres qui viennent de tous horizons, avec, parfois, l’exaltation d’influences plus « locales » …
Attention, loin de moi l’idée de dire que tout ce qui sort de nos divers « melting pots » est bon, non, non, loin s’en faut…
La musique, si l’on souhaite tendre vers un certain niveau de qualité et d’intérêt, est un art qui nécessite aussi travail et intelligence, patience et savoir-faire, directions et cadrages… en prenant en compte tant l’artiste lui-même que son public, connu ou potentiel.
Je risque d’en décevoir plus d’un, mais j’affirme que :
- la technologie a largement participé à la démocratisation de la création musicale partout en ce monde, et c’est très bien ;
- pour autant, ne « survivront » que ceux des artistes, musiciens ou interprètes qui créent de manière professionnelle avec des objectifs qualitatifs clairs et qui sont capables de prendre en compte d’où ils viennent et où ils veulent aller, tout en jetant un regard critique sur leur travail, par eux-mêmes ou non.
Il ne suffit pas de savoir manipuler un home studio pour bien s’autoproduire, ni de sur-utiliser l’auto-tune pour oublier que l’on chante faux… ou à la limite, on dit clairement qu’il ne s’agit que d’une maquette.
Angélique Kidjo – You Can Count On Me
D’autant que le vrai « travail » de l’artiste n’est pas (plus ?) ce qu’il met sur un petit bout de plastique, mais ce qu’il donne sur scène à son public (autre vaste sujet…). Un disque n’est qu’un instantané du processus artistique d’un artiste, une image figée dans le temps et l’espace, très utile bien sûr, mais pas suffisant.
Après, bien sûr, il y a tous ceux qui mettent leur « art » dans leur poche, avec leur mouchoir par dessus.
Car n’oublions pas que, depuis de (trop ?) nombreuses années, la vente de musique est devenue un énorme marché, et par voie de conséquence dans de (trop ?) nombreux cas, les productions ont tendance à n’être que purement commerciales… partout… y compris en Afrique. Et puis, la télévision est passée par là aussi : le clip vidéo a un impact non négligeable sur la manière dont les générations actuelles se voient et se projettent, y compris artistiquement.
Il suffit de mettre côte à côte un clip de 50 Cent ou Jay-Z et celui d’un rappeur Africain « dans le vent », et de se demander s’il y a une réelle différence… Selon moi, la langue employée ne suffit pas/plus…
Pour revenir à 2 des noms présents dans la question posée, le dernier album d’Amadou et Mariam avait clairement pour objectif de cibler le public international le plus large, bien loin de leurs tous premiers albums ; chaque titre ou presque fait intervenir un invité : fusion. Oyo, le dernier album d’Angélique Kidjo vise à retracer les musiques qui ont fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui et recouvre un large éventail de titres de toutes époques et origines, joués avec de nombreux invités : fusion. Le dernier Baaba Maal, interprété avec un groupe tendance électro de New York : fusion. Youssou N’Dour fait un voyage à Kingston pour son dernier opus, où Mbalax et Reggae se côtoient allègrement : fusion. Etc. etc.
L’objectif pour ces stars, mais certainement surtout leurs maisons de disques respectives, est de viser le marché potentiel le plus large, en ces temps de « crise » de l’industrie du disque (à ne pas confondre avec l’industrie de la musique…).
Nameless – Salari (du Kenya)
Que penser par exemple du titre « Waka Waka » interprété par Shakira, hymne de la Coupe du Monde de football 2010 ? Reprise de Zangalewa, un classique Camerounais des années 80, repassé à la moulinette dance/électro, avec quelques alibis Sud-Africains et interprété par une Colombienne.
Est-ce bien ou mal ? Je n’ai pas d’avis. Est-ce que j’aime ça ? Pas toujours… Tout dépendra de la qualité du résultat et du « cœur » qui y aura été mis.
Mais ce n’est pas pire que l’album d’un artiste vieillissant qui nous reproduit les mêmes « genres » de mélodies déjà entendues dans ses précédents titres, juste pour sortir un album, refaire une tournée « mondiale » bien sponsorisée, afin de gagner encore un peu plus d’argent, ou répondre à l’obligation contractuelle de sa maison de disques…
Pour les artistes (re)connus, je vais dire qu’au fond cela n’a pas d’importance.
Ce qui est agréable est de voir le foisonnement de créativité, l’envie de faire. Que la création musicale s’appuie sur la tradition pure, qu’elle évolue dans un axe plus « tradi-moderne » ou qu’elle empreinte les voies d’un autre style, bien loin des racines de l’interprète ou du compositeur, l’important est que le résultat trouve un (large) public, pour permettre à l’artiste de s’exprimer, de trouver sa place et d’exister.
Car, fondamentalement, s’il n’y a pas d’audience, l’artiste et sa musique n’existeront pas… Et on n’aura pas besoin de chercher à vouloir les caser quelque part…
Mon seul souhait est que la vie culturelle, au sens large et sous toutes ses formes, continue à grandir, à se développer. Au final, chacun prendra et laissera ce qu’il apprécie ou non.
Que vive la musique !!! Que vivent les musiques Africaines !!!
PS. : Je vais m’arrêter là pour l’instant… Bien entendu, n’hésitez pas à réagir dans les commentaires ci-dessous, à critiquer et au besoin à demander des éclaircissements. Il y a encore plein d’axes pour aborder ces problèmes et les questionnements légitimes sont nombreux.
Un commentaire
cybearDJM
Hello,
Un article en anglais sur The Root, qui traite d’une certaine maniere du meme sujet :
http://www.theroot.com/views/americas-slow-embrace-world-music
Sincerely
DJM