Fally Ipupa, Espoir 2000, Amadou et Mariam, Angélique Kidjo font-ils tous de la musique africaine ou de la world music ou doit-on forcément chercher à les classer ?
Lorsque LPN m’a adressé sa question, et je l’en remercie, j’ai tout de suite pensé que la réponse, si tant est que je puisse en formuler une ou qu’il en existe une tout simplement, n’allait pas forcément être très facile et/ou plaire à tout le monde… Challenge, sans aucun doute, où il serait difficile également d’écrire ce que je pense, tout en tentant de rester un tant soit peu objectif…
Aussi, je souhaite juste rappeler que « tous les goûts sont dans la nature » et qu’au final c’est cela qui nous permet de disposer encore en ce XXIème siècle de tant de diversité(s) culturelle(s).
Avant d’entrer dans le débat, ceux qui souhaitent en savoir plus sur mon « background » peuvent consulter un de mes anciens billets (de commande aussi, d’ailleurs…) « Pourquoi bloguer sur la musique Africaine ».
Je signale également que je suis aussi devenu, depuis peu de temps, producteur d’un jeune groupe, issu du Bénin, et d’un artiste, Griot de Guinée, avec qui je tente de faire se rejoindre la musique traditionnelle et le Jazz et que j’assiste également un autre artiste, originaire du Cameroun, qui évolue entre AfroPop et Reggae.
Voilà, bases posées, entrons dans le vif du sujet.
La première « expression » qui m’a interpellé dans la question de LPN est l’emploi du terme « World Music ». Musique(s) du Monde ? Késako ? La petite histoire raconte que cette dénomination fut forgée dans les années 80 par quelques patrons de labels de l’époque qui cherchaient un moyen de faire classer correctement leurs galettes chez les disquaires.
Pour les plus jeunes d’entre vous, les « musiques du monde », qui pendant longtemps n’ont existé que sous la forme d’enregistrements de chants ou d’instrumentaux « Ethniques », ont pris corps en tant que « courant musical » à la fin des années 70, principalement à Paris et Londres, grâce à quelques dénicheurs de talent(s) qui sont allés à la rencontre de la musique populaire des pays « hors occident ».
Car, il s’agit bien de cela : la récupération de la musique POP locale, fortement exotique pour la majorité des Européens ou Américains, et son intégration en parallèle des styles « établis » qui vont du Classique au Rock, de la POP au Blues, de la « chanson » au Jazz. Ces « nouvelles » musiques, tout au moins pour certaines (nombreuses) oreilles, devaient être classées pour leur donner une certaine « cohérence », au moins commerciale, même si les styles étaient par nature extrêmement variés.
Papa Wemba – Yolele
D’ailleurs, et ce n’est pas qu’une anecdote, chacun voit dans la musique de l’autre une forme de musique du monde. Si pour les « Occidentaux », les musiques Africaines, Chinoises, Coréennes, Sud-Américaines… font partie de la grande famille de la « World Music », pour un Russe ou un Papou, Mireille Mathieu ou Johnny Halliday (pour ne prendre que ceux-là…) sont aussi des artistes… de musiques du monde… Et que dire de la musique « Country » ou « Hillbilly » Américaine…
Bien évidemment, le monde Anglo-Saxon régnant en maitre tout puissant, y compris dans les activités de loisirs, a laissé de larges empreintes culturelles partout et est devenu très tôt le mètre-étalon des styles musicaux en vigueur sur notre bonne vieille terre.
Au final, nous avons donc d’un côté des styles « établis » de longue date, presque normés ou normalisés, éventuellement avec des déclinaisons et des variantes (Rock, HardRock, Pop-Rock… par exemple) et de l’autre le grand fourre-tout des « musiques du monde »… qui comme vous l’aurez compris n’a pas grande signification pour moi.
Mais, puisque nos amis Américains nous ont défini les genres musicaux, il conviendrait tout de même qu’ils n’oublient pas d’où vient la majorité de leurs musiques actuelles… D’où viennent le Blues, le Jazz, le Rock (« Elvis Presley, le premier blanc qui a osé chanter et danser comme un noir »)… et bien entendu aujourd’hui le Rap, le Hip Hop, le RnB… ? Du croisement, parfois contre-nature, entre les musiques et instruments des migrants Européens et ceux des esclaves au temps des traites négrières, à travers de multiples influences, prismes et contextes (utilisations religieuse, festive…).
D’autant, que la musique a pris l’habitude de régulièrement continuer à traverser l’Atlantique dans un sens puis un autre et de recommencer…
Si, indéniablement, une grande majorité des rythmes des Amériques provient des souvenirs apportés avec eux par les ex-Africains, dès lors que les mouvements intercontinentaux l’ont permis, la musique populaire Africaine s’est enrichie ou complétée des styles venus de l’extérieur : la Rumba Congolaise, les Salsa du Sénégal, l’influence Cubaine, la Pop psychédélique du Bénin ou du Nigéria, le Funk un peu partout ?
J’ai même quelque part dans ma discothèque un 45T de Rockabilly Kényan… pour vous dire 😉
Youssou N’dour et Neneh Cherry – 7 seconds
Ainsi, on peut considérer qu’une bonne part des racines des musiques Américaines est d’origine Africaine, et à l’inverse la musique populaire Africaine a réabsorbé les instruments et les styles des musiques Occidentales.
Et je vais jeter, ici et maintenant, le mot qui me semble caractériser tout cela : la FUSION !
Comme mes lignes précédentes contiennent de nombreuses pistes de réflexion, propres déjà à engendrer le débat, je vous laisse méditer sur ce dernier terme que je viens de vous jeter en pâture… 😉 A suivre…
9 Commentaires
SdC
Excellent article.
cybearDJM
Je ne voulais pas faire de promo dans l’article directement pour les artistes avec qui je travaille. Je me permets de le faire dans ce commentaire, après avoir remercié de nouveau LPN de son invitation.
A (re)découvrir donc :
* Alle’sTones, Brass Band nouvelle génération du Bénin, 7 jeunes musiciens qui conjuguent les percus traditionnelles et les cuivres, avec des textes en Fon qui traitent de sujets contemporains : écoutez les prémixes de leur 1er album sur http://www.reverbnation.com/allestones ou http://www.facebook.com/allestones
* Djeli Moussa Diawara, le Korafola – faut-il encore présenter ce maître de la Kora 32 cordes, qui conjuguent depuis presque 30 ans tous les styles musicaux, de la tradition Mandingue au Jazz, de la Salsa au Blues… De nombreuses surprises se préparent pour très bientôt… écoutez le sur http://www.reverbnation.com/djelimoussadiawara ou http://www.facebook.com/koradjeli
* Idy Oulo, que j’ai surnommé le « self-made-musician », qui promène sa guitare et sa garaya dans les festivals depuis de nombreuses années… retrouvez sa reprise du titre « Né gros et beau » sur http://www.reverbnation.com/idyoulo ou http://www.facebook.com/idyoulo.fanclub
PS : ils ont tous leurs sites/blogs respectifs aussi, si vous souhaitez leur rendre une petite visite : http://www.allestones.com http://www.djelimoussadiawara.com http://www.idyoulo.com
Sincerely
DJM
Biswe
Fusion!!!
Amateur de musique, qu’elle soit d’ici ou des autres mondes, je me suis essayé à classer mes artistes
préférés selon le mètre étalon occidental.
mais il y a deux ans je redécouvre la musique africaine des années 70 et 80 que mon père écoutait lorqu’il était encore amateur de culture…. et la patratras!!!!!
Dans qu’elle case loger Fela Kuti lorsqu’en fond sonore il y a cette transe Brownesque (from James Brown), et tous les musiciens de la superbe compilation des artistes gahanéen et nigerian de cette
même période, et l’ethiopien Mulatu Atatske et Poly -Rythmo du bénin et pleins d’autres perles que beaucoup de nos jeunes artistes gagneraient à connaître aujourd’hui……
Bref, fini pour moi l’envie de classer etc….l’important je crois, c’est cette musique qui reveille quelque chose au fond de vous, qui vous donne envie de taper des maine et de battre des pieds….
nyamsprod
@cybearDJM le concept de Fusion est une mauvaise bonne idée.
Je m’explique si je suis ton raisonnement alors toute musique, toute chanson est une fusion de rythme variées. A moins que ma mémoire me fasse défaut, les chansons du TP OK Jazz était une fusion de la rumba congolaise et cubaine. Mais en remontant la chronologie on pourra trouver une origine différente au rythmes du grand Franco.
Ce que je veux dire c’est que si le classement actuel est clairement insuffisant en mettant d’un côté la musique dite occidentale et formatté et de l’autre la musique d’ailleurs, le classement que tu proposes souffre d’être trop général.
Je ne dis pas que ce n’est pas une bonne ébauche, je pense simplement qu’il faut encore plus creusé le concept.
@Biswe il est vrai que classer de la musique est toujours un exercice difficile, mais il est quand même essentiel ne fut-ce que pour en comprendre les influences et les origines. Histoire d’acquérir d’autres connaissances et de découvrir qui sais d’autres mélodies tout aussi enrichissante.
cybearDJM
Hello Nyamsprod,
Tout d’abord, il faut replacer ma prose dans le plan de la question qui m’était posée, soit par rapport à des artistes connus depuis peu de temps, ou ayant produit un disque récemment.
Dans cette 1ère partie, j’ai juste cherché à donner de la profondeur, en intervenant sur le terme « WorldMusic » qui est, selon moi, un « abus de langage », surtout actuellement.
Et par ailleurs, je n’écris pas que la « fusion » doivent devenir une catégorie ou un classement. C’est juste une constante dans la musique actuelle, d’où qu’elle vienne. J’utilise d’ailleurs le mot « Caractéristique »…
Mon texte n’a pas pour but de chercher à faire remplacer le terme « WorldMusic » par « Fusion »… en tout cas ce n’est pas mon « concept »…
Sincerely
DJM
Biswe
@nyamsprod
Je vais te rassurer,mon intervention était circonscrite au classement des musiques….. je reste naturellement aussi intéressé par le « terroir » des sons qui participent de cette mosaïque….à la tessiture de chaque voix ou instrument et à la technologie employée….
Bref, plein de petits trucs qui font que atypique est le qualificatif qui revient assez souvent lorsque l’on parcours ma discothèque.
Tu comprends donc que ce n’est pas de la musique pour la musique, car si même le design de la pochette importe, a plus forte raison les influences, les origines…..
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