Le 21eme siècle démarre avec un parfum de revendication identitaire de par le monde. Dans cette perspective, le système scolaire occidentale n’échappe pas au mouvement. Voici donc que prolifèrent en dehors du bled des écoles proposant un enseignement dit afrocentrique. Ce genre d’établissement est-il pertinent ? Est-ce simplement une mode, un mouvement inscrit dans durée ou est-ce que la diaspora essaie désespérément de nous dire quelque chose?
Rentrée des classes oblige, les parents en profitent pour réfléchir en profondeur sur la nature et la qualité de l’éducation scolaire de leur petites tête frisées. D’aucuns disent que ce regain d’intérêt pour le contenu du programme scolaire est lié à la quasi démission des parents de leur responsabilité d’éducateur à la maison (ou tout simplement ils sont overbookés par les 3 boulots qu’ils font en même temps pour nouer les fins du mois – ndla). Quoi qu’il en soit, ils ne donnent plus carte blanche à l’éducation nationale et cherchent ou créent de toute pièce des systèmes parallèles qui répondent à leurs préoccupations scolaires, culturelle et sociales. Dans cette optique voici qu’apparaissent des écoles afros dont la désormais célèbre Africentric Alternative School de Toronto au Canada.
J’ai beaucoup de mal à me positionner par rapport à cette approche pour diverses raisons. Tout d’abord, comme je suis un partisan du monde mondial j’ai beaucoup de difficultés a accepté qu’une « communauté » (c’est fou ce que je n’aime pas ce mot – ndla) se replie sur elle même. Il me semble important que les enfant soient très tôt confrontés à la diversité de notre planète: cela permet de désamorcer des préjugés dus à l’ignorance de l’autre. Et pourtant, je comprend la problématique posée par les parents en ces termes: « il n’y a pas assez de contenu de « notre » communauté dans les programmes classiques ». Comme dans les médias, à force de patienter en vain que le contenu ethnique arrive, ils décident de prendre les choses en main.
Principal Thando Hyman-Aman leads a tour of the Africentric Alternative School. (Sept. 2, 2009) (source)
Ce qui m’embête dans le résultat c’est que c’est une école aux antipodes de celle qu’ils viennent de quitter. Il y a du black à tous les étages, ce qui n’est pas en soit une mauvaise chose, mais il n’y a que ça, et c’est plus embêtant pour moi. De surcroit le tout est mélangé dans un ordre qui surprend parfois (Nelson Mandela à coté de Oprah Winfrey ). Cela est sans doute dû a cette confusion persistante qui fait croire que l’Afrique ce n’est qu’un seul pays alors que chacune de ses composantes (voire parfois une seule région d’un pays) a de la matière en histoire et en culture pour remplir des bibliothèques entières. Alors on va mélanger tout ça, faire un tri sur base de ce que l’on estime pertinent et gaver les gamins dans une confusion totale.
D’autant plus que la diversité se retrouve également dans le panel des étudiants: faut-il faire une classe selon l’origine africaine ou caraïbienne de l’élève ? Je doute fort. Les profs prétendent que leur élèves sont en manque de modèle « qui leur ressemble » d’où le très peu de motivation pour réussir et des taux d’échec record. Mais l’histoire c’est aussi décrire ce (et ceux) qui n’est pas susceptible d’inspirer: les dictateurs, les mauvaises idées du passé et cultures controversées. D’autres observateurs mettent en avant le fait que le succès de ces écoles privent l’enseignement classique des ces « profiles » et je les comprends.
Voici mon conseil gratuit aux blédards en mal d’une coloration afro plus forte pour éviter la controverse inutile sur ce sujet. Plutôt que de construire de zéro des écoles de blédards à l’étranger, investissez massivement dans les écoles déjà existantes au bled et envoyez-y vos enfants. Comme cela vous n’aurez plus à vous poser de questions quand à la forme, au contenu et à l’origine de leur bagage. Sans oublié que les gamins du bled vous sauront grandement reconnaissant de votre contribution à la « communauté ».
14 Commentaires
Eddy
Faudrait aussi songer à te plaindre des « american school » et « lycées francais » qui pullulent partout dans le monde. En Afrique, à côté du programme scolaire local, il y’a le programme scolaire francais. Ce qui n’émeut pas grand monde, à commencer j’en suis sûr par toi.
Alors pourquoi n’y aurait-t-il pas un programme scolaire afrocentré?
Citation: « out d’abord, comme je suis un partisan du monde mondial » (fin de citation)
Le probleme c’est que ce « monde mondial » la plupart du temps signifie monde occidental. Tu penses que dans le système éducatif américain, on parlerait de Lumumba? qu’on expliquerait au lycéen américain pourquoi les USA ont jugé bon se débarasser de Lumumba?
Un lycéen africain devrait-t-il savoir qui fut Lumumba ou pas?
Si tu as répondu « non » et « oui » à mes précédentes questions, alors à quelle conclusion arrives-tu, vis-à-vis de l’offre actuelle du système éducatif pour les africains?
citation: « Il y a du black à tous les étages, ce qui n’est pas en soit une mauvaise chose, mais il n’y a que ça » (fin de citation)
Fais un tour dans certains lycées francais en pleine Afrique, puis revient qu’on discute..
MastaP
Sacré @Eddy – quand on te lit on dirait qu’on est en opposition. Je n’ai rien contre un Lycée Béninois à New-York si il n’est fréquenté que par des béninois à l’instar des Lycée Français ( ou consulaires) qui sont interdit aux nationaux même si on sait que la règle est souvent bafouée et comme tu l’as deviné j’en sais quelque chose ;-). Mais ici il s’agit d’un Lycée Canadien au Canada d’où mon scepticisme. Pour le reste, je suis d’accord avec toi, si Lumumba est important pour les humains il doit être enseigné à tous sans distinction de nationalité, de race ou de religion.
Eddy
citation: « Sacré @Eddy – quand on te lit on dirait qu’on est en opposition. » (fin de citation)
Lol désolé. Comme dirait J.M. Kankan, « c’est le coeur qui me fait.. »
citation: « Mais ici il s’agit d’un Lycée Canadien au Canada » (fin de citation)
Ben si le contenu scolaire ne correspond au vécu QUE d’un groupe donné, eh bien les autres sont en droit de développer une offre qui satisfasse leurs propres besoins.
citation: « si Lumumba est important pour les humains il doit être enseigné à tous sans distinction de nationalité, de race ou de religion. » (fin de citation)
Ouais. Mais le truc c’est que l’humanité n’en est pas encore là. Elle est encore embourbée dans des logiques nationales et nationalistes, qui font que les Etats s’entrecouillent *excuse my french* à la en veux-tu en voilà.
Dans ce contexte, impossible qu’il emerge des valeurs commune à transmettre à nos enfants. On l’a merveilleusement constaté en France lors du débat sur les soit-disant aspects positifs de la colonisation.
Peut-être que dans 300 ans nos descendants auront assez de clairvoyance, de recul et de maturité pour écrire « l’histoire humaine » comme elle l’a réellement été, mais pour le moment, où il y’a encore des mecs qui t’écrivent que le noir n’est pas encore entré dans l’histoire, eh bien il est hors de question de confier l’éducation de nos chères têtes crépues 🙂 à ce genre de courants de pensée.
Jikeb
@MastaP,
Y’a pas à dire, tu es un très très très grand idéaliste, lol! Sérieusement, à te lire, j’ai l’impression que « We are the world » c’est pour demain matin là là ! En tous cas, merci de m’avoir fait rigoler, tant d’idéalisme c’est vraiment touchant.
nyamsprod
@Eddy,
je pense que tu mélanges 2 problématiques qui n’ont rien à voir. Une école française, américaine, norvégienne au bled ne me choque pas à partir du moment où celle-ci s’adresse aux allochtones originaires de ces différents pays, présents en masse au bled et n’ayant aucunement envie de rester pour y vivre définitivement (comprendre prendre la nationalité).
Ici le problème et de savoir si faire une école de blackos pour blackos avec un corps enseignant de blackos enseignant des choses de blackos (ce dernier point étant franchement discutable) à l’intérieur du système éducatif d’un autre pays et une chose logique, pragmatique et répondant aux problèmes de cette tranche de la population.
Pour ma part la réponse est non. Cela indique un manque de volonté d’intégration des 2 parties en présence: les autochtones d’une part qui n’arrivent pas à intégrer les nouveaux venus et les immigrants d’autres part qui n’arrivent pas à se retrouver dans les nouveaux repères édicter par les autochtones. Cela témoigne donc d’un double échec.
En tant qu’immigré et ensuite nationaux ces personnes ont souscrites, en connaissance de causes, au projet commun des autochtones du coin. En clair, si tu as fais le choix de devenir Norvégien et bien prépare tes enfants à bouffer de la culture Viking au petit déjeuner, au déjeuner et au diner. Et si cela ne te convient pas qu’ils n’apprennent pas qui est Lumumba (ce que je peux facilement comprendre) et bien tu as 2 possibilités. Soit tu renvoies ta progéniture au bled ou on le lui enseignera dans les conditions que tu connais ou malgré tes 20 boulots et tes journées de 28h tu prends sur toi d’éduquer ton gamin et de l’introduire à la culture est aux valeurs de ton bled. Si cela t’es impossible, matériellement ou humainement, et bien la seule solution qu’il reste et d’élever un bon Viking à tête frisé en lui donnant toutes les armes pour qu’ils puissent évoluer dans son nouveau milieu naturel.
PS: je ne sais pas si tu vis en Norvège et je n’ai rien contre les Viking, c’était juste pour illustrer mon propos.
@Jikeb,
Rappelles-moi We Are The World c’était pas plutôt hier loin loin…en 1985 si je ne me trompe pas USA for Africa … c’était le bon vieux temps de la guerre froide ça non 😀
Youg_student
J’ai pu lire avec attention vos opinions de part et d’autre.
Je pense que l’essence de cette approche est la la recherche d’une culture identaire propre aux « Noirs » par la transformation des enseignements en une base culturel pour l’individu, ce n’est pas tant l’enseignement, les connaissances qui vont être transmises qui sont une finalité en soi, l’école socialise énormément, comme nous le savons, et elle est un socle de la formation « culturelle » de l’enfant. C’est l’endroit ou l’on apprend en partie qui nous sommes «avoir conscient de l’histoire de ces racines pour avancer en confiance» Cependant, le fait de tout mélanger est dangereux dans les programmes (mandela et Oprah winfrey), ceci dit, je ne sais pas comment ils organisent leur programme peut être ont-ils une matière « personnalité du monde noir » ou « histoire impériale africaine » etc… A l’heure actuelle, croire au monde mondial serait une grave erreur pour tout peuple. Plus le monde se mondialise, plus l’individu s’individualise (tautologie).
Prenons l’exemple du web très bon miroir des comportements humains, il y a pléthore de communautés autours de thématiques particulières, les internautes se singularisent afin de ne pas se perdre dans ses dédales identitaires, d’identifier leur gout et intérêt. Il faut savoir qui on est pour être apte de proposer à autrui le meilleur de soi, c’est le principe de la créativité. Il faut maintenant parler de monde créatif et non un monde mondial. « Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis. » St exupery
Pour conclure, je suis plus pour une place plus importante d’organismes associatifs pour la diffusion de la culture africaine, quelque soit le pays. (A l’instar de la communauté juive)
C’est un sujet très interessant mais très vaste j’ai du prendre un word pour écrire, je l’ai réduit à maintes reprises à cause de la longueur.
MastaP
@Youg_student – J’aime bien la forme et le fond de ton commentaire. Une petite précision cependant sur ma conception de « monde mondial » qui a du mal à passer car peut être mal expliquée. J’entends par là le fait que les « communautés » ont aujourd’hui de plus en plus conscience de l’existence des autres. Il ne s’agit plus de vivre en autarcie mais de profiter pour revisiter sa propre culture au regard de ce que l’on a appris sur l’expérience des autres. Et cela n’est possible qu’en allant à la rencontre des autres (à l’école par exemple) en ayant toutefois une bonne conscience de ce que l’on ait. Mais comme dit @Jikeb je suis un grand idéaliste qui s’assume 😀
Jikeb
@MastaP
Je pense que tout le monde ne peut pas s’offrir le luxe d’un tel « degré » d’idéalisme: Il faut bien vivre dans ce monde cruel, le vrai, ou chacun défend avant tout ces intérêts, et ceux de sa « communauté », oui je dis bien communauté.
« Même » Barack Obama, au delà de ses beaux discours humaniste, défend avant tout les intérêts américains dans le monde. Exemple précis : Les récentes émeutes en Iran, pour cause de tricheries aux élections présidentielle, réprimées dans le sang. Aucune intervention d’Obama et des USA, pour des raisons purement géostratégique. Et les morts des manifestations ? Et la défense des idéaux démocratiques? …. C’est ça le vrai monde.
Ceci dit, je le répète, ton grand idéalisme fait chaud au coeur 😉
@nyamsprod
Bah si tu comprends au moins (j’espère) le sens de mes propos, c’est l’essentiel. Allez! en attendant, tenons nous la main et faisons une grande ronde autour de la terre, en chantant, « we are ze woorrrrld! » 🙂
@Youg_student
Merci pour ton intervention, que je plussoie à 200%. Le problème vois tu c’est que nous autres afros sommes grand champion de la promotion du « métissage » sous toutes ses formes. A croire que l’on ne vit que pour diluer nos cultures et nos particularismes. Mais bon, comme tu le dis si bien, « C’est un sujet très interessant mais très vaste … »
nyamsprod
@Jikeb,
décidément tu as un problème avec les classiques de feu MJ … C’est dans cry que les gens se tiennent la main…
http://www.dailymotion.com/video/x1vxrd_michael-jackson-cry_music
Une chanson dans le pure style idéaliste de Masta P 😀
Jikeb
@nyamsprod
Désolé, mais je ne suis pas un grand fan de MJ; en tous cas, pas celui là; je suis plutôt fan de l’autre MJ, le sportif. En tous cas, libre à toi de …. « cry » fasse à tant d’ignorance 🙂
Youg_student
@Jikeb trés bonne remarque « ou chacun défend avant tout ces intérêts, et ceux de sa « communauté », oui je dis bien communauté. »
@MastaP je suis d’accord avec ton dernier commentaire, (je précise pour le cas de l’école) cependant enfant, nous sommes comme une graine qui grandit, devient un plant, sans branche uniquement constitué d’un tronc (image). Cette période correspond à la connaissance de soi à travers sa propre culture.
Ensuite le plant devient un arbre, cette arbre avec des branches et des feuilles. Cette image correspond à l’ouverture, aprés être bien conscient de ce qu’on est, on va vers les autres 🙂
Eddy
Objection, cela a very much à voir.
Déjà je voudrais rappeler à titre d’échauffement, que ceux qui braillent à longueur de journée « intégration », « intégration » et qui en fait pensent « assimilation », « assimilation », eh bien on ne peut pas dire qu’il nous aient spécialement montré l’exemple.
Que ce soit en Afrique, en Océanie, en Amerique ou en Asie, ils ne se sont pas fait spécialement remarquer par une intégration sans faille. Ou plutôt, si, ils se sont si bien intégrés que les autochtones parlent la langue du colon, prient le dieu du colon et apprennent l’histoire du colon (« nos ancêtres les gaulois », « notre roi Leopold », remember?).
Donc qu’ils boivent leurs bières et nous lachent la grappe.
Maintenant rentrons dans le vif du sujet.
Vos histoires d’intégration là, pourquoi c’est toujours à sens unique?
Tu en connais beaucoup toi, d’occidentaux allés s’installer en Afrique et dont les enfants suivent le cursus scolaire local? Là personne ne crie à l’échec de l’intégration. Quand l’africain, las de voir ce qu’on enseigne à ses enfants, décide de prendre les choses en main, on me parle d’échec de l’intégration.
L’intégration ne signifie pas « se diluer » dans l’autre, et ce principalement pour trois raisons:
1. ca serait la fin de l’humanité.
2. ca serait la fin de l’humanité.
Et enfin, 3., ca serait la fin de l’humanité.
Je suis désolé, mais un système éducatif qui parle des « bienfaits de la colonisation » et qui pérore que « l’africain n’est pas assez entré dans l’histoire », n’a absolument rien à enseigner à mon gamin. r-i-e-n !!
C’est clair, c’est net. Il n’y a même pas débat.
Et si par hasard je n’ai pas de choix, eh bien chaque soir à son retour d’école, je lui administre l’antidote à la maison.
Les petits du lion et de la panthère apprennent tous deux à chasser, mais ce n’est pas la panthere qui apprend au lionceau à chasser. Faut me laisser les belles symphonies sur le monde mondial.
C’est quel monde mondial où les uns jettent la nourriture parce qu’il y’en a en surabondance pendant que sous leurs yeux d’autres crèvent de faim?!
Donc OUI, je soutiens sans condition cette afroschool.
Roberta
« prépare tes enfants à bouffer de la culture Viking »
La bouffe « Viking » c’est presque aussi afreux que la bouffe anglaise, quel mauvais choix !
Roberta
Les lycées francais sont gérés par le ministère des affaires étrangères, et non l’éducation nationale, ce qui est révélateur d’un certain état d’esprit. En voila une présentation : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/services-formulaires_831/espace-etudiants_12793/scolariser-vos-enfants-etranger_1398/lycees-francais-etranger_35060.html
« Contribuer à la formation d’une élite, les élèves étrangers issus de nos établissements devenant des interlocuteurs précieux dans le cadre des responsabilités qu’ils assumeront plus tard. »
C’est un investissement à long terme, évidemment. Mais les pays du bled possèdent-ils tous un système scolaire de qualité ? Si ca marche. c’est justement parce que l’enseignement francais est considéré, à tord ou a raison, comme de meilleur qualité que l’enseignement local.
Mais que cherche donc le Canada avec un tel programme scolaire ?