Mon royaume pour un cheval

mutebiDurant plus d’une semaine des scènes de pillages et d’affrontement en milieu urbain ont secoués les rues de Kampala, la capitale ougandaise. Au début j’ai cru qu’il s’agissait d’une n-ième soubresaut des LRA (Lord’s Resistance Army) mais le nom ne sortait pas. Finalement j’apprends qu’en fait le Roi des Baganda est sorti de sa réserve et qu’il n’est, mais alors vraiment pas, content. Analyse d’une situation dont tout le monde se fout.

Il faut bien dire que tout cela a débuté bien mollement. Au départ on avait l’impression qu’il s’agissait d’une bête querelle entre voisins. Puis la querelle de voisins s’est généralisée en querelle de quartier avant que l’escalade ne continue crescendo. Au premier bus brulé, à la première boutique pillée, je me suis dit que Museveni (que les ougandais « écrivent » M7 pour M-Seven – ndla)  est encore en train de manœuvrer pour truander la constitution et voler les élections. Mais après un rapide coup d’œil à mon agenda, j’ai repéré que les prochaines élections étaient très loin. Mais que ce passe-t-il donc ? Et pourquoi la police et/ou l’armée de M7 ne leur rentre pas dans le lard dans le pur style mains de fer dans un gant de fer ? Il devait y avoir là anguille sous roche ou pire, des forces en présence capables de résister à l’État. Et pour cause, les dites forces étaient infiltrées au sein même de l’appareil d’État et ralentissaient voire paralysaient son action.

Une petite page d’histoire pour comprendre ce qu’il se passe exactement. l’Ouganda moderne doit son nom au Buganda, le Royaume des Baganda autour duquel il fut battit par le colonisateur britannique (on devrait dire le Royaume Baganda ou le Royaume des Ganda car le Ba est déjà l’article du pluriel,– ndla). Plus grande composante du pays dans ses frontières actuelles malgré le fait qu’il n’occupe que 17% de l’ensemble du territoire, le Buganda à l’avantage de posséder sur son territoire la capitale du pays, Kampala. Dans cette forêt de chiffres, un quidam du nom de Kimeze décide de fonder sa propre spin off des Baganda, les Banyala et veut que les membres de l’état qui passent sur son sol lui prêtent allégence au préalable. Je vous passe les sous implications de ces tractations traditionalo-politique et vous invite à suivre la chronologie des évenements chez de « vrais » journalistes.

Sa Majesté Ronald Muwenda Mutebi II 36ème Roi du  Buganda lors de son mariage
entouré du président Museveni et de sa femme (source)

kabaka

Le vrai problème dans cette triste affaire, qui tient plus du vaudeville ayant dérapé, c’est celui de vouloir faire coexister sur un même territoire un pouvoir d’état et un pouvoir traditionnel. Le retour des royaumes traditionnels est une idée que M7 a eu tout seul et qu’il a mis en place à l’encontre de l’avis de ses généraux. Sans doute voulait il utiliser cet appât pour mieux contrôler les spécificités locales des régions de son bled via des roitelets: « je te rends ton royaume et tu me jures allégeance » (décidément il est beaucoup question d’allégeance dans cette affaire – ndla). Mobutu en son temps a usé du même stratagème au Zaïre, s’appuyant sur des petits potentats locaux pour mater dans l’œuf la contestation locale dans les bleds lointains de Kinshasa.
Mais voilà, l’appétit vient en mangeant et les petit roitelets commencent à prendre leurs aises et à réclamer de plus en plus d’autonomie et, de fait, de plus en plus de pouvoir direct sur leurs sujets voir leur sol. Mal leur en a pris car ici il s’agit de régions stratégiques, la capitale entre autre. D’où clash direct avec un État qui commence seulement maintenant à comprendre qu’il est victime du retour de flamme. La réaction à l’emporte pièce de celui-ci est venu de la bouche du président M7 lui même. Il veut recadrer le pouvoir des roitelets et leur rappel à l’occasion ce qu’il ne leur avait sans doute pas dit au départ: vous n’avez qu’un rôle d’apparat et le pouvoir de vous taire.
Mais M7 n’a-t-il pas joué avec le feu ? N’a t-il pas ouvert la boite de Pandore en les positionnant malgré lui comme une alternative viable à son pouvoir, alternative plus proche des gens de la base que les partis politiques traditionnels ? Je ne suis pas royaliste, mais je vois dans cette affaire une leçon importante: quand on joue avec la démocratie on la dé-crédibilise et les administrés n’hésitent pas, alors, à se ruer vers le premiers pieds qui se propose de les écraser … autrement.

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