Ethniquement Correct

jeune masaiL’histoire, récente comme ancienne, nous a toujours enseignée que tout tentative de l’homme de classifier ses semblables que ce soit par groupe ethnique ou sociale à toujours abouti à une catastrophe. Pourtant, il persiste et signe à l’instar du gouvernement du Kenya qui souhaite recenser sa population sur une base ethnique. Pourquoi un tel acharnement ?

On peut remonter de l’antiquité et arriver aux drames du Rwanda ou du Darfour, c’est souvent la même histoire qui se répète. A chaque fois, les sociologues et les politiques avancent une nécessité d’avoir des chiffres corrects pour agir en accord avec la réalité. Ils comptent et recomptent les gens, les marquent d’un signe distinctif, sur le corps, les habits ou sur leurs papiers d’identité … pour être sur de ne pas oublier qui et qui. Et puis un beau jour tout dérape. Les statistiques sont utilisés pour stigmatiser les même personnes que l’on a pris soin de correctement marquer. Les raisons sont toujours aberrantes et les conséquences souvent tragiques.

Pourtant les populations sont souvent demandeuses.  Au Pays-Bas par exemple, les citoyens d’origine surinamienne ont un véritable problème d’intégration. Ils le crient haut et fort mais on leur réclame des chiffres pour le prouver.  Chiffres qu’elles ne peuvent produire vu que la législation néerlandaise interdit de faire des statistique sur base ethnique pour des raisons « évidentes » de lutte contre la ségrégation. Ce problème est universel et pas limité à l’Europe. Le gouvernement du Rwanda a dans ses premières initiatives après la tragédie de 1994 décidé de retirer la mention ethnique des cartes d’identités.  Ce signe fort devait indiquer la fin de la ségrégation entre les différentes composantes du pays alors appelées ethnies.  Tous les habitants devenaient égaux, semblables , si pas frères. Cependant le même gouvernement déclare chiffre à l’appui que les massacres ont essentiellement touchés une seule de ces ethnies. Difficile alors de se déclarer victime de 94 sans s’attribuer de facto une ethnie. Il en va de même pour les bourreaux qui sont immédiatement étiquetés.

Petites Filles Peuhls du Niger
filles-peuhls

Ce paradoxe traduit la réalité de nos pays africains et la dualité dans laquelle ses habitants vivent. La plupart des africains sont fiers de leur origines ethnique/régionale/tribale/linguistique ou autre. Surtout quand le nom de ce groupe est lié à une « grande civilisation » et « une grand histoire« . Ne demandez pas à un bambara, un peul, un zoulou, un touareg ou à un massaï de gommer cela de sa personne. Au contraire, il souhaite que cela soit connu et reconnu.

Le problème à mon avis survient lorsque l’on quitte la sphère culturelle. Il est créé par l’extérieur mais aussi par les membres du groupe. Et tous deux commettent la même erreur en voulant adjoindre une notion autre que culturelle au groupe.  Par exemple, si je lie ma tribu à un territoire géographique je cours le risque de choc frontale avec toute autre tribu qui est passée par là. De même si je déclare que telle tribu est faite uniquement de voleurs le clash est immédiat. Il en va de même pour toute autre défaut ou qualité que je chercherais à lier à un groupe.

Il existe donc bien un parler ethniquement correct. Un cadre dans lequel on pourrait parler et se réclamer d’un groupe plus large que sa simple famille. Mais ce langage est codé et à utiliser avec beaucoup de précaution. C’est sans doute ce dont à manqué le communicant du Kenya qui a eu la tache d’annoncer le recensement polémique.

Dans la même veine

4 Commentaires

C’est trop facile de vouloir jeter la pierre au Kenya pour ce recensement avec appartenance ethnique incluse. S’il doit y avoir une guerre au kenya, ce recensement ne sera en aucun cas responsable. Le Rwanda et le Burubdi sont un très bon exemple sur le sujet: les rwandais prétendent qu’ils ont su se massacrer (et le mot est faible) parce qu’il y avait une mention ethique dans leur carte d’identité. Alors qu’après avoir élu un president hutu, les burundais mécontent ont prétendu qu’il ne s’agissait pas d’une élection, mais un recensement ethnique, en sous entendant que le résultat des élections était directement à l’image des proportions entre les hutus et les tutsis dans ce pays.
Je ne nie pas que la mention ethnique fût trop souvent prétexte à des pouvoirs pour liquider une partie de sa population, mais je pense que c’est un problème de gestion comme tous ceux que nous connaissons en Afrique (voir l’article sur Michael Jackson, le blédard). Je reconnais également cet état de fait, qu’il faut quasi se planquer pour faire état de son appartenance ethnique sans soulever des tonnes de sous-entendus. Mais je trouve que l’existence de ces diversités, parce qu’elles existent, est une richesse pour chaque pays. Je pense que les USA n’ont pas attendu d’installer Obama à la Maison Blanche pour exploiter ces diversités. Et je ne sais ce qui resterait de la culture française si la France se planquait derrière la Révolution pour oublier l’époque où l’on séparait les nobles des autres citoyens.
Pour finir, je dis qu’il n’y a pas que les matières premières qui sont lamentablement gérées au bled
A bon entendeur, salut!
Pec

Je ne savais pas que les Pays-Bas n’avaient pas de chiffres ‘ethniques’. Vu leur politique multi-culturelle (jusqu’à présent), je suis étonné. Et d’ailleurs, les problèmes d’intégration y concernent surtout les marocains, pas les surinamiens. La France n’a aucun chiffre ethnique par contre, et c’est même très politiquement incorrect d’essayer d’en faire. En France, prétendre dire au journal de 20h que « dans la population carcérale les allochtones d’origine maghrébine sont sur-présentés » c’est le meilleur moyen de de faire traiter de raciste. On ne peut pas le prouver ni l’infirmer formellement ; les statistiques n’existent pas. D’ailleurs même le mot allochtone n’existe pas en France (oui, oui, c’est en Belgique que je l’ai appris).

Le problème c’est que le lien que tu donnes sur les Pays-Bas doit être l’oeuvre de quelqu’un qui n’a jamais mis les pieds en France (on peut au mioins pas reprocher de ne pas avoir cherché des statistiques, elles n’existent pas). Des mariages mixtes en France ? Oui, ça existe, mais ça reste rare. Pour l’essentiel des mariages, c’est entre gens de même origine. Jusqu’à récemment même, on constatait même que les catholiques et luthériens avaient tendance à se marier surtout au sein de la même religion (tiens, comme aux Pays-Bas)….

Des écoles ‘mixtes’ en France ? La carte scolaire n’a qu’un caractère théorique. Comme les étrangers ont tendance à se regrouper dans certains quartiers, tu as des classes avec 32 allochtones sur 35 élèves. A l’inverse si tu habites dans le 5ième arrondissement de Paris, tu peux être à peu près certain d’aller à l’école entre bon français catholiques de droite.

Désolé pour le lien pauvre en info mais je n’ai pas réussi à remettre la main sur le reportage de ARTE consacré à la communauté surinamienne au Pays-Bas. Dans mon billet, je ne dis pas que les données n’existent pas. Au contraire, je souligne que les chiffres existent car sans eux on ne peut pas cartographier les phénomènes liés aux communautés et donc agir en conséquence si il y a lieu. Ce que soulève mon poste c’est que en France comme ailleurs, ces chiffres sont maintenus secrets car il y a une réel difficulté (dans la forme) à les communiquer. Toute maladresse donne lieu à une récupération politique et à des débordements sociaux. On a donc inventé une « langue de bois » pour en parler sans en parler, en ménageant toutes les susceptibilités possibles.

Laisser un commentaire